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Ressource documentaire
Consultations de Souley Nyakh, tradipraticien à Joal (déc. 2012)
- "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes
- visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés (en Wolof,Sérer,Français) | |||
Droits : Droits réservés à l'éditeur et aux auteurs Auteur(s) : EPELBOIN Alain 01-07-2013 Description : - "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes Le tradipraticien sérer Souley Niakh de Joal, au Sénégal, âgé d'une quarantaine d'années, reçoit simultanément deux clients dans sa chambre. Il les fait asseoir sur le lit et des fauteuils en plastique. Lui-même est installé sur une natte synthétique posée à côté du lit, les jambes écartées devant un boubou-tunique en toile de coton traditionnelle, recouvert d'une crasse patinée correspondant à des versements de sang de poulets sacrificiels. D'une sacoche noire à plusieurs poches, de type pour ordinateur, il extirpe les objets du rituel : un "chasse mouche", bâton de pouvoir en crins de cheval noir, montés sur un manche gainé de tissu rouge, enroulé dans une coudée de bande de tissu de coton artisanal bicolore, un sachet plastique d'une poudre, probablement polyvégétale, qu'il versera sans récitations dans un récipient d'eau, un pot en plastique blanc de 5 litres, apporté par une des résidentes de la maison qui bavardent dans la cour. Le premier consultant, Mbaye D2., âgé d'une soixantaine d'années vient achèver un traitement pour des maux divers, notamment des douleurs des os et des articulations et fatigue, de cause non précisée : jalousie, sorcellerie due à ses succès ? C'est un musicien sérer célèbre, ami de l'assistant-traducteur de l'anthropologue vidéographe, Aliou Henri Diouf, lui même musicien. Le tradipraticien fait asseoir Mbaye D2. sur la natte, face à lui, séparé par la tunique sacrificielle posée entre eux. Il trempe les crins de cheval du bâton de pouvoir dans l’eau avec poudre et, de haut en bas, oint par effleurements le crâne, la nuque, les épaules, les bras, le dos, les reins de son patient. Il le fait se relever et exécute des massages des bras avec ses mains, imprégnées de la projection d'une récitation, dans un sens "extractif", de la racine des membres aux extrémités. Ces massages rapides, entre effleurement et passe de magnétiseur, alternent avec des étirements doux des bras et du rachis. A la fin de ce temps, il intime l'ordre à son client de répondre systématiquement positivement à toute question qui lui est posée, comme une imposition d’un optimisme à afficher en permanence : - Si on te questionne, tu dis oui. Tenant le pot d’eau avec poudre, il le conduit alors derrière la chambre dans une étroite arrière cour ou est installé l'autel domestique consacré aux esprits tutélaires du tradipraticien, les pangols. Il est constitué de mortiers défoncés enterrés à l'envers, de pilons enterrés, de divers objets, pierres et de deux volumineux anneaux de fer qui ne semblent pas de facture artisanale. Après avoir versé de l'eau avec poudre sur chacun des objets de l’autel représentant les pangols, le tradipraticien intime à Mbaye D2. de se "laver", sans quitter son pantalon, de s'asperger sur le modèle du schéma corporel de la toilette quotidienne par aspersion, y compris les pieds, posés l’un après l’autre sur le bord de l’autel, dans une proximité extrême et troublante avec les esprits ainsi convoqués. Comme avec un jeune enfant, Souley Nyakh achève la toilette de la tête de son client, la maintenant au dessus de l’autel. Puis, il se saisit des anneaux trempés d’eau avec poudre et les passent horizontalement l'un après l'autre au dessus de la tête de MBaye D. encore penché sur l'autel. De retour dans la chambre-cabinet de consultation, Souley Nyakh le fait asseoir en face de lui, toujours séparé par la tunique sacrificielle. Il brandit, les bras tendus, la coudée de tisssu bicolore face à la tête de son client, sur laquelle il finit par la poser. Il s'en saisit ensuite pour essuyer les zones qui ont été massées, effleurées, lavées, comme pour récupérer aussi des restes non visibles. Ensuite, il la secoue vigoureusement plusieurs fois et la pose sur la tunique sacrificielle. Puis, il fabrique une cordelette de coton sur laquelle il effectue 4 noeuds magiques spécifiques avec récitation d'une formule, dont : "J'ai pris une poignée de sable, m'envelopper de Dieu avec un oreiller de pierre". Il attache lui-même la cordelette qui fait deux fois le tour de l'avant bras gauche de Mbay D. Il recouvre alors la tunique sacrificielle et la bande de tissu bicolore d'un morceau de toile blanche percée de trois trous circulaires de la taille de l’ouverture de petits canaris usuels et d'un quatrième plus petit. Le bâton de pouvoir est déposé dessus, puis mis de côté, de même que le tissu blanc et la bande bicolore, pour poser neuf cauris et une petite plaque pesante, non identifiée, l’objet qui joue souvent un rôle de « témoin » dans ce type de divination iconique. Six jets de cauris se succèdent, dont un avec la main de Mbay D. posée sur les cauris étalés. Ils confirment tous la réussite du traitement et le devenir heureux. Après quoi, Souley Niakh demande à Mbaye D2. de laisser la place au deuxième consultant, El Hadj T., un pêcheur sérer d’une soixantaine d’années qui vient pour les séquelles cicatrisées d'une grave fracture de la partie supérieure du tibia droit, écrasé entre deux pirogues. Il le fait asseoir sur le sol en face de lui et lui mesure le tour du genou droit avec la bande de tissu bicolore. Il mesure ensuite la cheville et réalise un noeud spécifique du même type que celui de la cordelette, transformant la bande de tissu en amulette, en sengor, ceinture de projection de force à un noeud. Il la brandit à la face du consultant puis vers le ciel et le sol, c'est-à-dire la tunique sacrificielle sur laquelle il la dépose pour se saisir du bâton de pouvoir. Il trempe les crins de cheval dans le seau d’eau avec poudre de la consultation précédente et en oint doucement la jambe souffrante à de nombreuses reprises, du haut vers le bas. Il finit par le massage avec incorporation dans le corps du patient des vertus des paroles magiques projetées dans ses mains à chaque passage devant ses lèvres, accompagnées de claquements de doigts. Ensuite il attache la bande bicolore, devenue sengor à un noeud, au dessus du genou. Il reprend les effleurements de la jambe avec les crins de cheval trempés d'eau avec poudre, toujours de haut en bas, mais en venant les recharger successivement en les plongeant dans chacun des trous circulaires de la toile blanche posée par dessus la tunique sacrificielle, comme des ouvertures de canaris non visibles. Il interroge ses cauris en quelques jets comme pour vérifier le bon déroulement des opérations, puis entreprend la fabrication d'une cordelette de coton artisanal à 2 noeuds spécifiques avec des récitations. Après l'avoir passée à plusieurs reprises sur la jambe malade, il l'attache à la cheville. Puis il déchire une étroite bande de la toile blanche à trous circulaires et la transforme en cordelette à un noeud, avec récitations de paroles et passage entre les lèvres du guérisseur. Il l’attache au dessus du genou à la place de la bande tissu bicolore nouée. Souley Nyakh fait lever El Hadj T. et le dirige, tout boiteux, derrière la maison. Il lui fait poser le pied sur l'autel domestique des pangols. Trempant les crins du bâton de pouvoir dans le récipient d'eau avec poudre, il effleure doucement le membre malade, de haut en bas, du genou à l'autel. Ensuite, il verse de l'eau avec poudre, toujours de haut en bas sur la jambe et le pied posé sur l'autel, puis passe les anneaux de fer sur et autour de la jambe avant de les reposer à leur place. Un dernier versement de liquide avec poudre sur la jambe et l'autel, ainsi qu'une aspersion à l'aide des crins de cheval et il fait retourner son client dans la chambre à la même place que précédement. Il lui a ordonné de bien marcher et effectivement le consultant ne boite plus. Le tradipraticien exécute de ouveaux effleurements avec récitation à l'aide des crins de cheval, puis effleurement-essuyage du membre à l'aide de la bande de tissu bicolore qui a conservé son noeud. Des jets de cauris divinatoires répétés confirment la réussite du traitement : " C'est bon !" El Hadj T. secoue sa jambe d'un air très convaincu quant à la disparition des douleurs. Souley Nyakh tout en rangeant ses accessoires dans sa sacoche, en sort une clochette-à grelot qu'il écoute attentivement sonner devant chacune de ses oreilles, comme des messages positifs supplémentaires. - visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés Le traitement du premier client, Mbaye D2., se poursuit l’après midi du même jour dans une petite forêt de baobabs à proximité de Joal, réputée dangereuse car habitée par différents esprits, des pangols (génies sérers), des djinns (génies musulmans et païens) , des animaux dangereux, tels qu'une hyène et un jaxal, traduit faussement par « tigre », vraisemblablement une panthère. Les offrandes destinées aux pangols protecteurs, sont de l’eau, de la farine de mil, du sucre, un poulet vivant, une bouteille de vin rouge, des noix de kola et une pièce de monnaie, sans compter une petite cuvette en plastique, le récipient pour les libations, et l’outil sacrificiel, un couteau de cuisine. Un premier versement rituel d’eau mélangée de farine de mil est effectué à l’entrée de la forêt sur un espace dégagé recouvert de coquillages, de feuilles mortes et de restes de sacrifices antérieurs, noix de kola, flaques de sang séché. Souley Nyakh se saisit du poulet, lui coince les pattes avec un pied, fait une passe du couteau sur la gorge et une torsion du cou qui hypnotise l’animal qui s’immobilise, puis il lui tranche la gorge, versant la totalité du sang en une même place. Après quoi, le poulet est remis mort dans une pochette de plastique pour l’emporter. Souley Niakh la cuvette contenant l’eau avec la farine de mil et le couteau de la main gauche poursuit son chemin jusqu’à deux baobabs aux troncs blanchis, qu’il asperge du reste de l’eau avec la farine de mil, tout en inspectant une cavité à la base d’un d’entre eux. Il poursuit le chemin qui serpente dans la forêt de baobab jusqu’à une place qu’il nomme « chambre d’épines », où sont empilées des centaines de bouteilles de verre vides de vin rouge, de bière et d’alcool. Il décapsule la bouteille et fait avancer Mbay Diouf afin de lui verser du vin sur les pieds en même temps qu’aux pangols. Cette implication corporelle si près des pangols semble impressionner Mbaye D2. qui essaye de refuser, puis limite la quantité de vin déversée sur ses pieds nus. Il refuse ensuite de boire directement à la bouteille. Malgré les restes de mil, il finit par accepter la cuvette plastique vidée du mélange d’eau, de farine de mil et de sucre comme récipient à boire. Souley Nyakh fait boire au goulot Aliou Henri Diouf, l’assistant-traducteur, puis l’anthropologue caméraman et enfin lui-même. Il se saisit de la caméra pour les filmer en train de boire, puis leur enjoint de verser du vin sur le sol pour les pangols. A ce moment, le rituel de Mbay Diouf est terminé. Souley Nyakh entreprend contre rémunération de faire visiter les différents places des habitants de cette forêt de baobabs. Il montre une place de repos de la hyène, les griffures laissées sur un tronc par les griffes du jaxal, les résidences des pangols et des djinns. Il présente le baobab des pangols dont il a reçu les pouvoirs, un autre en forme de tête où les femmes stériles déposent leur coiffe pour obtenir un enfant. Au fur et à mesure que la visite se prolonge, Mbay D., impressionné, est de plus en plus réticent et suggère de rentrer, notamment de ne pas aller visiter le puits où résident un djinn et ses trois fils. Au sortir de la forêt, il se saisit d’un crabe et mîme en chantant sa mise à mort sacrificielle : comme une fin (faim) de catharsis.ACTEURS - le tradipraticien sérer Souley Niakh - le premier consultant pour douleurs ostéo-articulaires et fatigue, Mbaye D. 2, musicien sérer - le deuxième consultant pour séquelles de fracture de la jambe droite, El Hadj T., pêcheur sérer - l'assistant-traducteur Aliou Henri Diouf - le médecin-anthropologue vidéaste, Alain EpelboinTraduction et commentaires simultanés Aliou Henri Diouf Traduction des sous-titres Lamine Ndiaye Caméra, montage, réalisation Alain Epelboin & Mireille Gruska © 2013 Alain Epelboin CNRS-MNHN Paris Mots-clés libres : Sénégal,pangol,djinns,bande de tissu,bâton de pouvoir,crin de cheval,sacrifice,verselent,mort animal,poulet,kola,mil,vin rouge,hyène,panthère,guérison,génies,autel domestique,tunique talismanique,vidéo,massage,film ethnographique,baobab,amulette,guérissage,sérer,Joal,devin-guérisseur,tradipraticien,eau,poudre végétale,ablution,incantation,cordelette à noeuds,emprise | TECHNIQUE Type : image en mouvement Format : video/x-flv Source(s) : rtmpt://fms2.cerimes.fr:80/vod/smm/consultations.de.souley.nyakh.tradipraticien.joal.d.c.2012.versements.aux.pangols.domestiques.onctions.et.fabrication.d.amulettes.visite.et.versements.aux.habitants.d.une.for.t.de.baobabs.sacr.s_12510/121223joal.souley.niakh.pangols.iphone.m4v | ||
Entrepôt d'origine : Canal-u.fr Identifiant : oai:canal-u.fr:12510 Type de ressource : Ressource documentaire |
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Ressource pédagogique
Consultations de Souley Nyakh, tradipraticien à Joal (déc. 2012)
- "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes
- visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés (en Français) | |||||||
Identifiant de la fiche : 12510 Schéma de la métadonnée : LOMv1.0, LOMFRv1.0 Droits : libre de droits, gratuit Droits réservés à l'éditeur et aux auteurs Auteur(s) : EPELBOIN ALAIN 01-07-2013 Description : - "versements" aux pangols domestiques, onctions et fabrication d'amulettes Le tradipraticien sérer Souley Niakh de Joal, au Sénégal, âgé d'une quarantaine d'années, reçoit simultanément deux clients dans sa chambre. Il les fait asseoir sur le lit et des fauteuils en plastique. Lui-même est installé sur une natte synthétique posée à côté du lit, les jambes écartées devant un boubou-tunique en toile de coton traditionnelle, recouvert d'une crasse patinée correspondant à des versements de sang de poulets sacrificiels. D'une sacoche noire à plusieurs poches, de type pour ordinateur, il extirpe les objets du rituel : un "chasse mouche", bâton de pouvoir en crins de cheval noir, montés sur un manche gainé de tissu rouge, enroulé dans une coudée de bande de tissu de coton artisanal bicolore ; un sachet plastique d'une poudre, probablement polyvégétale, qu'il versera sans récitations dans un récipient d'eau, un pot en plastique blanc de 5 litres, apporté par une des résidentes de la maison qui bavardent dans la cour. Le premier consultant, Mbaye D2., âgé d'une soixantaine d'années vient achèver un traitement pour des maux divers, notamment des douleurs des os et des articulations et fatigue, de cause non précisée : jalousie, sorcellerie due à ses succès ? C'est un musicien sérer célèbre, ami de l'assistant-traducteur de l'anthropologue vidéographe, Aliou Henri Diouf, lui même musicien. Le tradipraticien fait asseoir Mbaye D2. sur la natte, face à lui, séparé par la tunique sacrificielle posée entre eux. Il trempe les crins de cheval du bâton de pouvoir dans l’eau avec poudre et, de haut en bas, oint par effleurements le crâne, la nuque, les épaules, les bras, le dos, les reins de son patient. Il le fait se relever et exécute des massages des bras avec ses mains, imprégnées de la projection d'une récitation, dans un sens "extractif", de la racine des membres aux extrémités. Ces massages rapides, entre effleurement et passe de magnétiseur, alternent avec des étirements doux des bras et du rachis. A la fin de ce temps, il intime l'ordre à son client de répondre systématiquement positivement à toute question qui lui est posée, comme une imposition d’un optimisme à afficher en permanence : - Si on te questionne, tu dis oui. Tenant le pot d’eau avec poudre, il le conduit alors derrière la chambre dans une étroite arrière cour ou est installé l'autel domestique consacré aux esprits tutélaires du tradipraticien, les pangols. Il est constitué de mortiers défoncés enterrés à l'envers, de pilons enterrés, de divers objets, pierres et de deux volumineux anneaux de fer qui ne semblent pas de facture artisanale. Après avoir versé de l'eau avec poudre sur chacun des objets de l’autel représentant les pangols, le tradipraticien intime à Mbaye D2. de se "laver", sans quitter son pantalon, de s'asperger sur le modèle du schéma corporel de la toilette quotidienne par aspersion, y compris les pieds, posés l’un après l’autre sur le bord de l’autel, dans une proximité extrême et troublante avec les esprits ainsi convoqués. Comme avec un jeune enfant, Souley Nyakh achève la toilette de la tête de son client, la maintenant au dessus de l’autel. Puis, il se saisit des anneaux trempés d’eau avec poudre et les passent horizontalement l'un après l'autre au dessus de la tête de MBaye D. encore penché sur l'autel. De retour dans la chambre-cabinet de consultation, Souley Nyakh le fait asseoir en face de lui, toujours séparé par la tunique sacrificielle. Il brandit, les bras tendus, la coudée de tisssu bicolore face à la tête de son client, sur laquelle il finit par la poser. Il s'en saisit ensuite pour essuyer les zones qui ont été massées, effleurées, lavées, comme pour récupérer aussi des restes non visibles. Ensuite, il la secoue vigoureusement plusieurs fois et la pose sur la tunique sacrificielle. Puis, il fabrique une cordelette de coton sur laquelle il effectue 4 noeuds magiques spécifiques avec récitation d'une formule, dont : "J'ai pris une poignée de sable, m'envelopper de Dieu avec un oreiller de pierre". Il attache lui-même la cordelette qui fait deux fois le tour de l'avant bras gauche de Mbay D. Il recouvre alors la tunique sacrificielle et la bande de tissu bicolore d'un morceau de toile blanche percée de trois trous circulaires de la taille de l’ouverture de petits canaris usuels et d'un quatrième plus petit. Le bâton de pouvoir est déposé dessus, puis mis de côté, de même que le tissu blanc et la bande bicolore, pour poser neuf cauris et une petite plaque pesante, non identifiée, l’objet qui joue souvent un rôle de « témoin » dans ce type de divination iconique. Six jets de cauris se succèdent, dont un avec la main de Mbay D. posée sur les cauris étalés. Ils confirment tous la réussite du traitement et le devenir heureux. Après quoi, Souley Niakh demande à Mbaye D2. de laisser la place au deuxième consultant, El Hadj T., un pêcheur sérer d’une soixantaine d’années qui vient pour les séquelles cicatrisées d'une grave fracture de la partie supérieure du tibia droit, écrasé entre deux pirogues. Il le fait asseoir sur le sol en face de lui et lui mesure le tour du genou droit avec la bande de tissu bicolore. Il mesure ensuite la cheville et réalise un noeud spécifique du même type que celui de la cordelette, transformant la bande de tissu en amulette, en sengor, ceinture de projection de force à un noeud. Il la brandit à la face du consultant puis vers le ciel et le sol, c'est-à-dire la tunique sacrificielle sur laquelle il la dépose pour se saisir du bâton de pouvoir. Il trempe les crins de cheval dans le seau d’eau avec poudre de la consultation précédente et en oint doucement la jambe souffrante à de nombreuses reprises, du haut vers le bas. Il finit par le massage avec incorporation dans le corps du patient des vertus des paroles magiques projetées dans ses mains à chaque passage devant ses lèvres, accompagnées de claquements de doigts. Ensuite il attache la bande bicolore, devenue sengor à un noeud, au dessus du genou. Il reprend les effleurements de la jambe avec les crins de cheval trempés d'eau avec poudre, toujours de haut en bas, mais en venant les recharger successivement en les plongeant dans chacun des trous circulaires de la toile blanche posée par dessus la tunique sacrificielle, comme des ouvertures de canaris non visibles. Il interroge ses cauris en quelques jets comme pour vérifier le bon déroulement des opérations, puis entreprend la fabrication d'une cordelette de coton artisanal à 2 noeuds spécifiques avec des récitations. Après l'avoir passée à plusieurs reprises sur la jambe malade, il l'attache à la cheville. Puis il déchire une étroite bande de la toile blanche à trous circulaires et la transforme en cordelette à un noeud, avec récitations de paroles et passage entre les lèvres du guérisseur. Il l’attache au dessus du genou à la place de la bande tissu bicolore nouée. Souley Nyakh fait lever El Hadj T. et le dirige, tout boiteux, derrière la maison. Il lui fait poser le pied sur l'autel domestique des pangols. Trempant les crins du bâton de pouvoir dans le récipient d'eau avec poudre, il effleure doucement le membre malade, de haut en bas, du genou à l'autel. Ensuite, il verse de l'eau avec poudre, toujours de haut en bas sur la jambe et le pied posé sur l'autel, puis passe les anneaux de fer sur et autour de la jambe avant de les reposer à leur place. Un dernier versement de liquide avec poudre sur la jambe et l'autel, ainsi qu'une aspersion à l'aide des crins de cheval et il fait retourner son client dans la chambre à la même place que précédement. Il lui a ordonné de bien marcher et effectivement le consultant ne boite plus. Le tradipraticien exécute de ouveaux effleurements avec récitation à l'aide des crins de cheval, puis effleurement-essuyage du membre à l'aide de la bande de tissu bicolore qui a conservé son noeud. Des jets de cauris divinatoires répétés confirment la réussite du traitement : " C'est bon !" El Hadj T. secoue sa jambe d'un air très convaincu quant à la disparition des douleurs. Souley Nyakh tout en rangeant ses accessoires dans sa sacoche, en sort une clochette-à grelot qu'il écoute attentivement sonner devant chacune de ses oreilles, comme des messages positifs supplémentaires. - visite et "versements" aux habitants d'une forêt de baobabs sacrés Le traitement du premier client, Mbaye D2., se poursuit l’après midi du même jour dans une petite forêt de baobabs à proximité de Joal, réputée dangereuse car habitée par différents esprits, des pangols (génies sérers), des djinns (génies musulmans et païens) , des animaux dangereux, tels qu'une hyène et un jaxal, traduit faussement par « tigre », vraisemblablement une panthère. Les offrandes destinées aux pangols protecteurs, sont de l’eau, de la farine de mil, du sucre, un poulet vivant, une bouteille de vin rouge, des noix de kola et une pièce de monnaie, sans compter une petite cuvette en plastique, le récipient pour les libations, et l’outil sacrificiel, un couteau de cuisine. Un premier versement rituel d’eau mélangée de farine de mil est effectué à l’entrée de la forêt sur un espace dégagé recouvert de coquillages, de feuilles mortes et de restes de sacrifices antérieurs, noix de kola, flaques de sang séché. Souley Nyakh se saisit du poulet, lui coince les pattes avec un pied, fait une passe du couteau sur la gorge et une torsion du cou qui hypnotise l’animal qui s’immobilise, puis il lui tranche la gorge, versant la totalité du sang en une même place. Après quoi, le poulet est remis mort dans une pochette de plastique pour l’emporter. Souley Niakh la cuvette contenant l’eau avec la farine de mil et le couteau de la main gauche poursuit son chemin jusqu’à deux baobabs aux troncs blanchis, qu’il asperge du reste de l’eau avec la farine de mil, tout en inspectant une cavité à la base d’un d’entre eux. Il poursuit le chemin qui serpente dans la forêt de baobab jusqu’à une place qu’il nomme « chambre d’épines », où sont empilées des centaines de bouteilles de verre vides de vin rouge, de bière et d’alcool. Il décapsule la bouteille et fait avancer Mbay Diouf afin de lui verser du vin sur les pieds en même temps qu’aux pangols. Cette implication corporelle si près des pangols semble impressionner Mbaye D2. qui essaye de refuser, puis limite la quantité de vin déversée sur ses pieds nus. Il refuse ensuite de boire directement à la bouteille. Malgré les restes de mil, il finit par accepter la cuvette plastique vidée du mélange d’eau, de farine de mil et de sucre comme récipient à boire. Souley Nyakh fait boire au goulot Aliou Henri Diouf, l’assistant-traducteur, puis l’anthropologue caméraman et enfin lui-même. Il se saisit de la caméra pour les filmer en train de boire, puis leur enjoint de verser du vin sur le sol pour les pangols. A ce moment, le rituel de Mbay Diouf est terminé. Souley Nyakh entreprend contre rémunération de faire visiter les différents places des habitants de cette forêt de baobabs. Il montre une place de repos de la hyène, les griffures laissées sur un tronc par les griffes du jaxal, les résidences des pangols et des djinns. Il présente le baobab des pangols dont il a reçu les pouvoirs, un autre en forme de tête où les femmes stériles déposent leur coiffe pour obtenir un enfant. Au fur et à mesure que la visite se prolonge, Mbay D., impressionné, est de plus en plus réticent et suggère de rentrer, notamment de ne pas aller visiter le puits où résident un djinn et ses trois fils. Au sortir de la forêt, il se saisit d’un crabe et mîme en chantant sa mise à mort sacrificielle : comme une fin (faim) de catharsis.ACTEURS - le tradipraticien sérer Souley Niakh - le premier consultant pour douleurs ostéo-articulaires et fatigue, Mbaye D. 2, musicien sérer - le deuxième consultant pour séquelles de fracture de la jambe droite, El Hadj T., pêcheur sérer - l'assistant-traducteur Aliou Henri Diouf - le médecin-anthropologue vidéaste, Alain EpelboinTraduction et commentaires simultanés Aliou Henri Diouf Traduction des sous-titres Lamine Ndiaye Caméra, montage, réalisation Alain Epelboin & Mireille Gruska © 2013 Alain Epelboin CNRS-MNHN Paris Mots-clés libres : Sénégal, pangol, djinns, bande de tissu, bâton de pouvoir, crin de cheval, sacrifice, verselent, mort animal, poulet, kola, mil, vin rouge, hyène, panthère, guérison, génies, autel domestique, tunique talismanique, vidéo, massage, film ethnographique, baobab, amulette, guérissage, sérer, Joal, devin-guérisseur, tradipraticien, eau, poudre végétale, ablution, incantation, cordelette à noeuds, emprise
| PEDAGOGIQUE Type pédagogique : cours / présentation TECHNIQUE Type de contenu : image en mouvement Format : video/x-flv Taille : 250.00 Mo Durée d'exécution : 36 minutes 40 secondes RELATIONS Cette ressource fait partie de : | ||||||
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