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Le choléra est une maladie diarrhéique contagieuse strictement humaine, causée
par Vibrio cholerae, un bacille gram négatif. La maladie se traduit par une diarrhée
aqueuse profuse parfois accompagnée de vomissements survenant quelques heures à quelques jours après l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés par V. cholerae. Dans l’environnement, V. cholerae est retrouvé dans les eaux saumâtres des zones d’estuaire où il colonise la surface de certaines algues et de copépodes, pouvant ainsi persister en l’absence de l’homme pendant des périodes de temps prolongées. C’est le cas dans les zones estuariennes d’Asie du Sud-Est telle que la région du golfe du Bengale, où la maladie est connue depuis la plus haute antiquité. Après avoir été relativement épargnée par les six premières pandémies, l’Afrique continentale a été frappée par la 7ème pandémie en 1970. Depuis cette date, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 90 % des cas de choléra sont rapportés par l’Afrique sub-saharienne. La République Démocratique du Congo (RDC) fait partie des pays les plus touchés. En RDC, de 2000 à 2008, 208 875 cas et 7 335 décès (létalité de 3,51%) dus au choléra ont été notifiés à l’OMS, soit 15 % des cas et 20 % des décès rapportés dans le monde pour la même période. Ces cas de choléra touchent essentiellement les provinces de l’est de la RDC, situées dans la région des grands lacs. Après plus de trente ans de lutte contre le choléra en RDC, une étude épidémiologique de la dynamique du choléra a été initiée dans ce pays dans le but de comprendre les facteurs de récurrence épidémique et de proposer des ajustements sur les approches opérationnelles. Les principaux résultats de ce travail de recherche ont permis de mettre en évidence qu’à peine 10 % des zones de santé, toutes situées à proximité des lacs de l’est de la RDC, jouent le rôle de zones sanctuaires pour le choléra . Ces résultats ont également permis de mettre en évidence la saisonnalité du choléra, avec moins de cas en saison sèche, et le rôle spécifique des populations de pêcheurs, de commerçants et de mineurs artisanaux dans l’émergence et la diffusion des épidémies de choléra. Il a également été démontré que le choléra n’est pas endémique dans toutes les régions de l’est de la RDC. Le fonctionnement du choléra dans cette région d’Afrique est globalement instable avec des flambées épidémiques suivies de phases d’extinction relativement prolongées, les flambées épidémiques se produisant selon un mode métastable lorsqu’on considère l’Est de la RDC dans son ensemble. Cependant, il a aussi été montré que certains foyers fonctionnant jusque-là sur un mode métastable sont, depuis quelques années, passés à un fonctionnement endémique. C’est le cas des foyers de Kalemie et de Goma. Sur la base de ces résultats, il a été recommandé la mise en place d’un projet de lutte contre le choléra avec pour objectif d’éliminer cette maladie de l’ensemble de la
RDC. Ce plan vise à concentrer les efforts de lutte sur les sept foyers sanctuaires identifiés en privilégiant les apports en eau potable parmi l’éventail des moyens de lutte existant. Lorsque les premières actions ont été mises en oeuvre sur le site pilote de Kalemie, nous avons constaté une diminution importante de l’incidence du choléra, tandis que les examens microbiologiques ont confirmé que les quelques cas de diarrhée encore rapportés à Kalemie n’étaient plus dus à V. cholerae mais à d’autres bactéries. L’épidémiologie du choléra telle que nous l’observons dans la région des Grands Lacs africains est différente de celle décrite en zone estuarienne d’Asie du Sud-Est. Même si plusieurs questionnements subsistent concernant les modes de persistance du choléra dans les zones lacustres ou la pérennité du V. cholerae dans les eaux des lacs, les résultats de ce travail sont porteurs d’un nouvel espoir pour la relance de la lutte contre cette maladie négligée.