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"Knit together in brotherly society". L'idéal fraternel au sein des corporations de métiers londoniennes dans la seconde moitié du XVIe siècle : l'exemple des spectacles / Olivier Spina. In "Frères et sœurs du Moyen Âge à nos jours", colloque international organisé par le laboratoire France Méridionale et Espagne: histoire des sociétés, du Moyen Âge à l'époque contemporaine (Framespa) de l'Université Toulouse II-Le Mirail et par le Centre de recherches historiques de l'Ouest (Cerhio) de l'Université Rennes 2. Toulouse, Université Toulouse II-Le Mirail, 22-23 mars 2012. Session 4 : Fratrie/fraternité, le lien rêvé, 23 mars 2012. [Ce colloque de Toulouse constitue la seconde partie d'un double
colloque international dont la première partie s'est tenue à Rennes, les
1er et 2 décembre 2011].Les corporations de métiers londoniennes sont fondées à partir du XIIe siècle comme des fraternités religieuses regroupant des "frères" aux activités économiques similaires (merciers, marchands-tailleurs...). Durant le XIVe et XVe siècles, ces fraternités religieuses ou brotherhoods se voient conférer par le pouvoir royal et le pouvoir municipal des compétences politiques et économiques de plus en plus vastes. A la suite de la réforme protestante, le roi Edouard VI supprime en 1547 toutes les fraternités religieuses "ayant un but religieux supersticieux". Si les corporations de métiers échappent à la dissolution, elles sont privées de leur assise idéologique de communauté fraternelle unie par les prières pour les défunts et l'entraide des vivants. Sans cette raison d'être, comment légitimer le fonctionnement quotidien des institutions du métier et l'existence de rapports sociaux spécifiques entre les membres ? Refusant de faire du métier un simple corps institutionnel et économique, elles entendent le faire perdurer comme organisme social fraternel en conservant la "fraternité corporative" au coeur de l'imaginaire du groupe. Alors que les magistrats du corps civique londonien usent essentiellement de la métaphore patriarcale (les City fathers), les membres des métiers mobilisent un lexique adelphique. L'insistance sur le lien fraternel permet aux officiers de légitimer la hiérarchie au sein de la corporation sur la base d'une relation aînés/cadets. Il implique surtout un rapport d'amitié et d'égalité entre les frères, quelque soit leur richesse, leur âge, leur place dans le métier (assistant/maître/journalier). La corporation est donc un tissu d'obligations sociales réciproques, ce qui permet une certaine stabilité des relations socio-économiques entre "frères". Les officiers du métier sont contraints de prendre en compte cette idéologie fraternelle dans chacune de leurs décisions sous peine de voir leur autorité remise en cause et voir menacée la légitimité de la corporation en tant que communauté. L'ensemble des décisions de la corporation sont ainsi marquées du coin de la fraternité. Loin d'être simplement un discours, la "fraternité" est une catégorie sociale, politique et économique.Les spectacles organisés dans le dernier tiers du XVIe siècle par les corporations à l'occasion de l'élection d'un Lord Maire issu de leurs rangs (parade du Lord Maire) et les discussions autour de leur mode de financement sont un bon exemple de la complexité de la mise en oœuvre des "liens fraternels" par le métier. Les officiers entendent faire participer financièrement et matériellement à ce spectacles très onéreux le plus grand nombre de frères possible afin de manifester en acte la "fraternité corporative". Dès lors, il apparaît que c'est au prisme du concept pluriel et complexe de fraternité que les membres des corporations vivent, pensent et comprennent leur position et leurs actions au sein de la communauté londonienne.
Mot(s) clés libre(s) : histoire des mentalités, ordres professionnels (Londres), Angleterre (16e siècle), communauté de métiers