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Que les meilleur-e-s gagnent ? Performances et naturalisationdes corps sportifs
Coordination : Gabrielle Schütz (Printemps, UVSQ/CNRS) et Christine Hamelin (Printemps,UVSQ/CNRS)
Intervenant-e-s
- Anaïs Bohuon, Maître de conférences à l'UFR STAPS de Paris Sud, membre du laboratoire SPOTS (Sport, Politiques et Transformations Sociales) : "Genre, couleur et exigence de la performance sportive: l'exemple des tests de féminité"
- Manuel Schotté, Maître de conférences en Staps, Université de Lille 2. Laboratoire CERAPS (Centred'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales : « Comment penser le 'talent'? Ce que le sport fait à la sociologie”
Le corps est le lieu par excellence de la naturalisation des inégalités et des hiérarchies sociales. Parmi les recherches sociologiques récentes qui s’attachent à le « dénaturaliser », en déconstruisant les représentations qui l’entourent et en identifiant l’ensemble des processus sociaux et historiques qui participent à son modelage, celles menées autour des pratiques sportives de haut niveau apparaissent particulièrement stimulantes.
Le sport de compétition est en effet un domaine dans lequel la corporalité est omniprésente, à travers la valorisation de la performance physique qu’entraîne ce niveau de pratique sportive. Cette centralité du corps performant – de ses capacités métaboliques, physiologiques ou encore morphologiques – s’accompagne d’une naturalisation récurrente des exploits sportifs et des corps qui les accomplissent. Cette naturalisation des performances et des corps passe notamment par leur racialisation, comme dans le cas des coureurs marocains analysé par Manuel Schotté. Elle résulte également de leur appréhension au prisme du genre, qui fixe des formes et des limites à l’excellence féminine, comme dans le cas des athlètes étudiées par Anaïs Bohuon.
Ces visions racialistes et genrées des corps et des performances ont plusieurs effets. Elles tendent tout d’abord à masquer l’ensemble des logiques sociales et historiques à l’oeuvre dans la « construction du "talent" », interdisant de le penser sociologiquement. En associant les performances à des attributs corporels « naturels », ensuite, elles les minimisent, voire les dénient, comme dans le cas des sprinteuses jugées trop virilisées et dont les records sont vus comme « contre-nature ». Dans les deux cas étudiés – deshommes marocains, parfois immigrés en Europe, et des femmes, le plus souvent non-blanches – la naturalisation des corps et des performances ne tombe pas au hasard et engage donc à une analyse en termes de rapports de domination. Cette analyse doit non seulement permettre de penser les modalités différenciées de la célébration des performances, mais surtout, la manière dont les rapports de domination sont entretenus et reconstruits à travers le sport, qui les inscrit dans les corps, contribue à faire de la« race », de la « culture » ou du genre des essences, mais aussi de la bicatégorisation des sexes une évidence.
Mot(s) clés libre(s) : compétition, performance, naturalisation, sport, corps sportifs