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L’activité de notre association Charles Gide reprend, pour son cycle de conférences "le forum Nîmois Charle GIDE" Jean MATOUK président de l'assosiation et professeur des universités recoit, le 14 mars 2013, à la maison du protestantisme à Nîmes Jean-Claude Tichet.
L’homme que nous recevons ce soir restera, j’en suis sur, dans l’histoire de l’Union européenne.
Son cursus d’études est multiples. Il fut d’abord à l’Ecole des Mines de Nancy. Puis passa en faculté de droit et sciences économiques dont il sortit avec une Maitrise. Il suivi ensuite la filière classique de la fonction publique, à Sciences Po puis à l’ENA où il fit partie de la promotion Thomas More, l’homme d’honneur qui fut exécuté pour ne pas avoir approuvé le divorce de son maître Henri VIII d’Angleterre
Il est sorti de l’ENA comme Inspecteur des finances et il a fait ensuite une brillante carrière au Ministère des Finances. Il y a travaillé dans divers cabinets, puis comme Directeur du Trésor, entre 1987 et 1993, puis comme Gouverneur de la Banque de France entre 1993 et 2003.
Je voudrais dire tout d’abord que j’ai tout de suite apprécié la loyauté dont il a fait preuve au Trésor auprès de Pierre Bérégovoy quand celui-ci a accédé au poste de Ministre des Finances en 1988. Tout le monde sait que Pierre Beregovoy, honnête homme s’il en fut, d’une rare intelligence , n’était pas coutumier des arcanes de la finance. Jean Claude Trichet, qui avait servi sous plusieurs précédentes majorités à divers postes, a travaillé de la manière la plus loyale et la plus efficace possible avec lui. D’autres, de ce cabinet, sont partis faire fortune, ce qu’on ne peut pas leur reprocher a priori, mais Jean Claude Trichet, lui a poursuivi sa carrière dans la haute fonction publique, beaucoup moins rémunératrice.
Cette fidélité à l’action publique, lui a valu d’être nommé en 2003, Président de la banque centrale européenne, après le néerlandais Wim Duisenberg. C’était afficher une triple continuité. D’abord une continuité comme banquier central, ce qui est un métier spécial , différent du métier de banquier tout court. Ensuite une continuité doctrinale. Il va en effet diriger l’euro, si je puis dire, durant huit ans, après l’avoir préparé, en liaison étroite, avec les gouvernements Balladur, puis Rocard, comme Gouverneur de la banque de France, entre le Traité de Maastricht, approuvé par référendum en 1992, et son entrée en vigueur en 1999.
Nombre de mes confrères économistes lui ont reproché la cure d’une austérité monétaire, pas vraiment terrible, qu’il a imposée pour que nous soyons à même de remplir, en cette année 1999, les conditions d’entrée dans l’euro. Deux ou trois autres pays ( Grèce évidemment, Italie aussi, Portugal sans doute), quelques contorsions financières ont été réalisées pour cette entrée. Ce ne fut pas, grâce à sa rigueur, le cas de la France. Mais certains de mes chers confrères pour lesquels la dévaluation semble une pratique récurrente inévitable pour la France, ont dénommé cette politique, de manière critique : « la pensée unique », ce qui est une double idiotie ? Car , en premier lieu, « on » avait parfaitement le droit de penser autrement et « on » ne s’en privait pas. En second lieu, même si l’économie n’est pas une sciences exacte – comme la météo, c’est une science tellement complexe , une science du complexe, même, qui ne saurait avoir l’exactitude de la physique- certains chemins y sont inévitables pour atteindre un but, et c’est celui que Jean Claude Trichet du faire suivre à la monnaie française pour qu’elle se fonde dans la monnaie européenne. Mais que n’a-t-on écrit sur ce « « penseur unique » ?
Il n’a heureusement pas eu le sort malheureux de Tomas More, patron, je l’ai dit, de sa promotion à l’ENA exécuté en 1535 mais il a été presque doctrinalement persécuté.
Devenu Président de la BCE, Jean Claude Trichet a été un important contributeur, sinon le plus important, d’abord évidemment, à la mise en marche de l’euro bancaire en 1999, puis de l’euro de circulation en 2002. Là encore on avait annoncé une catastrophe, un « bug » informatique gigantesque, qui, heureusement, n’a pas eu lieu.
Mais en juillet 2007, quand les prêts interbancaires quotidiens, de dizaines de milliards d’euro, qui sont au cœur même du fonctionnement de notre système bancaire, se sont interrompues, quand les banques, quelques jours durant, n’ont plus voulu se prêter les unes aux autres , on peut le dire, sans emphase, il a sauvé le système bancaire européen. Sans lui, sans son action, et la parole des dirigeants français et allemands, on a risqué , pendant quelque jours la ruée mortelle des déposants, pour réclamer leurs dépôts , ce qui aurait mis les banques en défaut puis faillite les unes après les autres et ruiné des millions d’européens.
On peut même dire qu’avec ses collègue du Federal reserve system américain , des banques centrales d’Angleterre et du Japon, ils ont sauvé le monde économique et financier
Par la suite il a su manœuvrer avec habileté, comme d’ailleurs son successeur Mario Draghi, entre les tenants d’un trop grand laxisme, venus plutôt des pays du sud, et les membres ultra-rigoureux de la Deutsche Bundesbank. Pour nos voisins germains, un peu trop affecté d’une phobie de l’inflation au-delà de 3%, depuis la crise de 1923 ou, il est vrai, il fallait une brouette de Reischmarken pour acheter une boite d’allumette, cette rigueur allemande , donc, doit s’appliquer partout et de la manière la plus déterminée. Or cette ultra-rigueur peut tuer le malade qui meurt alors gueri et provoquer des réactions sociales violentes. Même si la rigueur actuelle est devenue supportable, vous risquez déjà de voir dans les urnes du 15 mai, une révolte injuste mais logique contre l’Europe de l’austérité
Bref, vous aurez tous compris, que j’ai une grande admiration pour Jean Claude Trichet, qui fut ma tutelle bancaire pendant cinq ans, et je me sens vraiment sur-honoré qu’il me délivre du « Cher professeur », alors que c’est, bien plutôt lui, qui est mon maitre en finances.
J’avais eu l’idée de faire venir Jean Claude Trichet dans le cadre d’une sorte de festival des amis de la poésie, car, au milieu de son métier austère de maitre de la monnaie, il cultive l’amour de cette forme littéraire. Ce ne sera pas l’objet de la réunion de ce soir dont le thème est plus austère : « Leçons de la crise et avenir de l’euro ». Je ne sais pas si Jean Claude Trichet va nous la faire en vers. Ce dont je suis sur, c’est qu’il nous fera une vraie leçon sur la monnaie. C’est d’ailleurs le sujet de son petit livre de 2013 : « La monnaie, pourquoi » ici présent ? Président, vous avez la parole.
Mot(s) clés libre(s) : financement européen, Banque Centrale Européenne