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Héritages et survivances de Jacques Derrida, pour dire ce qui arrive à sa pensée et à son oeuvre, tout autant que ce qui en provient, et qui revient et reviendra. Dix ans après la mort du philosophe, les héritages de Jacques Derrida portent en eux plus d’un secret et plus d’un esprit. Leur réserve d’inconnu, au delà de tout héritage comptable, doit être aujourd’hui réaffirmée, réinterprétée, maintenue en vie. Le désir testamentaire, inscrit dans le titre de notre colloque, au-delà d’un certain deuil mortifère, signifie qu’il n’y aura nul héritage sans l’invention d’un à-venir, et nul avenir ou survivance sans héritage incalculable et illégitime.Quelques dates choisies parmi tant d’autres possibles (« La date, la cendre et le nom : c'était ou ce sera le même, qui ne se tient jamais au présent”, écrivait-il dans Schibboleth. Pour Paul Celan) : En 1967, Jacques Derrida marque la scène philosophique avec trois livres : La voix et le phénomène, De la grammatologie et L’écriture et la différence. Il élabore le concept d’une écriture générale, libérée de l’opposition de l’écriture restreinte à l’oralité, engageant ainsi un travail de clôture et de décentrement du structuralisme qui va permettre d’interroger l’épistémologie et le langage des sciences humaines et sociales.
En 1972, dans Marges de la philosophie, « la différance » consacre et condense l’écart avec la tradition métaphysique. Elle opère en-deçà de la différence ontologique de l’être et de l’étant et au-delà de la représentation. Ni donnée ni constructible, ni même positive ou objectivable, elle s’inscrit, comme l’inconscient, en s’effaçant, n’apparaît que par ses traces qui renvoient à d’autres traces, ouvrant la multiplicité de l’écriture par-delà le sens, la signification et le savoir.
En 1990, à l'occasion d'une exposition au Louvre, Jacques Derrida écrit Mémoires d’aveugle. L’autoportrait et autres ruines où il analyse l’autorité du regard, de la vue et de la lumière dans l’histoire de la philosophie. Dès lors que le trait ne se voit pas, le dessin dessine toujours la mémoire. Sont choisis pour cette exposition des autoportraits dans lesquels l’oeil des dessinateurs est exposé à l’aveuglement comme expérience même de la vue.
En 1991, dans Circonfessions, Derrida livre des bribes de son enfance à Alger, cherchant le secret inaccessible de sa circoncision. Il raconte son enfance, le plus intime de son corps, la mort de sa mère, portant à la limite l’idée de Nietzsche que les philosophies sont des biographies involontaires de leurs auteurs. Penser ainsi la vie, transformée en écriture, déstabilise la conception pour laquelle la vie n’existe qu’en dehors de l’oeuvre, et l’oeuvre en dehors de la vie.
Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, Derrida entreprend de repenser les fondements de la démocratie et de la souveraineté en se demandant comment les événements doivent contraindre la philosophie et le langage de la politique à se transformer. Correspondant à l’exigence la plus haute de justice, la démocratie n’est pas un régime politique parmi d’autres mais ce qui manque à la politique, son avenir impossible et nécessaire.
Dix ans après la mort de Jacques Derrida en octobre 2004, ce colloque s’efforce d’éclairer, par une pluralité de perspectives, la manière dont la donne philosophique a été transformée par cette pensée plus que jamais féconde, singulière, et porteuse d’avenir. Quels sont, aujourd’hui et au-delà, les héritages et les survivances de la pensée de Jacques Derrida? Comment penser et recevoir ces héritages, être hanté par ses survivances, au-delà de tout dévoilement et de toute création, comme des événements qui restent à traduire et à réinventer ?
Responsables scientifiques : Marc Goldschmit, Sara Guindani-Riquier et Alexis Nuselovici
>> “Non-lieux de l’exil” est partie prenante du colloque “Héritages et survivances de Jacques Derrida”.
>> Colloque porté par la Fondation Maison des sciences de l'homme
Mot(s) clés libre(s) : connaissance (philosophie), Jacques Derrida