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D'après
les textes, Ostie aurait été fondée par Ancus Marcius, le quatrième roi
de Rome vers le milieu du VIIe s. av. J.-C.. L'objectif de cette
fondation est triple : il fallait donner à Rome un débouché à la mer,
assurer son ravitaillement en blé et en sel et enfin, empêcher une
flotte ennemie de remonter le Tibre. Cependant, les fouilles
archéologiques entreprises à Ostie ont montré que le noyau urbain
initial (castrum) remonte au plus tôt au tournant des IVe s. et IIIe s.
av. J.-C..
Si les principaux axes de circulation urbaine ont été
dégagés ainsi que les grands édifices (thermes, théâtre, capitole,
marché, forum, entrepôts...), l'emplacement exact du bassin portuaire
fluvial d'embouchure d'Ostie reste inconnu. Pour certains, ce dernier
était considéré comme un "port perdu". En effet, depuis la Renaissance,
de nombreuses tentatives de localisation du port d'Ostie ont été
entreprises, sans succès. Il faut attendre les XIXe et XXe siècles pour
que des archéologues italiens définissent un secteur au nord-ouest de la
ville, proche du Palais Impérial. Au début du XXIe siècle, les
archéologues allemands confirment la probable localisation du bassin,
dans ce secteur nord, grâce à l'utilisation d'instruments
géomagnétiques. Pour certains, l'absence de structures archéologiques
dans cette parcelle attestait la présence d'un bassin, pour d'autres
cela impliquait davantage la présence d'une place ou d'un espace dédié
au débarquement des marchandises et à leur manœuvre. Il n'y avait donc
toujours pas consensus sur la localisation exacte du port et le débat
restait vif. Une équipe pluridisciplinaire franco-italienne (associant
géoarchéologue, paleo-biologiste, sédimentologue, archéologue et
historien) a donc tenté de vérifier définitivement l'hypothèse d'un port
dans ce secteur nord-ouest grâce l'utilisation d'un carottier
géologique.
Ces carottages ont permis d'obtenir une stratigraphie
remontant jusqu'au début du 1er millénaire avant J.-C. Trois étapes se
distinguent. (1) L'unité basale (la plus profonde), antérieure à la
fondation d'Ostie, indique que la mer était présente dans ce secteur au
début du Ier millénaire av. J.-C. (2) La strate médiane, riche en
sédiments argilo-limoneux de couleur grise, est caractéristique d'un
faciès portuaire. Les calculs donnent une profondeur de 6 m au bassin au
début de son fonctionnement, daté entre le IVe et le IIe s. avant
J.-C.. Cette profondeur a été calculée par rapport au niveau marin
antique de l'époque romaine positionné à environ 1m sous le niveau marin
actuel. Considéré jusqu'alors comme un port essentiellement fluvial, ne
pouvant accueillir que des bateaux à faible tirant d'eau, le port
d'Ostie bénéficiait en réalité d'un bassin profond susceptible
d'accueillir de grands navires maritimes : ceci est un résultat
important. (3) Enfin, la strate la plus récente témoigne de l'abandon du
bassin à l'époque romaine impériale par des accumulations massives
d'alluvions. Grâce aux datations au radiocarbone, il est possible d'en
déduire qu'une succession d'épisodes de crues majeures du Tibre est
venue colmater définitivement le bassin portuaire d'Ostie entre le IIe
s. av. J.-C. et le premier quart de siècle ap. J.-C. (et ce, malgré
d'éventuelles phases de curage). A cette période, la profondeur du
bassin est inférieure à 1 m et rend toute navigation impossible. Ces
résultats sont en accord avec le discours du géographe Strabon (58 av.
J.-C. – 21/25 ap. J.-C.) qui indique un comblement du port d'Ostie par
des sédiments du Tibre à son époque. Il a alors été abandonné au profit
d'un nouveau complexe portuaire construit à 3km au nord de l'embouchure
du Tibre, du nom de Portus. Cette découverte du bassin portuaire
d'embouchure d'Ostie, au nord de la ville et à l'ouest du "Palais
Impérial", va permettre de mieux comprendre les liens entre Ostie, son
port et la création ex-nihilo de Portus, commencé en 42 ap. J.-C. et
achevé sous Néron en 64 ap. J.-C.. Ce gigantesque port de 200 ha
deviendra alors le port de Rome et le plus grand jamais construit par
les Romains en Méditerranée.
Au final, ces travaux ont permis de
faire progresser nos connaissances sur Ostia dans 3 domaines : (1)
Géographie : la localisation du bassin portuaire d'Ostia est maintenant
connue : au nord-ouest de la ville, proche du palais impérial. (2)
Bathymétrie : la profondeur du bassin lors de son creusement est de
l'ordre de 6m sous le niveau marin antique. Cette profondeur permettait à
certains navires maritimes de fort tonnage et tirant d'eau d'y accéder
(et pas seulement les navires fluviaux). (3) Chronologie : les premiers
sédiments qui se déposent au fond du bassin sont datés entre le IVe et
le IIe s. av. J.-C. et les sédiments sommitaux, d'origine fluviale, sont
datés entre le Ier s. av. et le Ier s. ap. J.-C.
Institutions ayant contribué à la réalisation de cette recherche :
École
française de Rome, Soprintendenza speciale per i beni archeologici di
Roma – Sede di Ostia, CNRS, Institut universitaire de France (chaire de
P. Arnaud), Université de Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée
(UMR 5133), Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme (UMR 6573),
IGAG-CNR, ANR JC.
Mot(s) clés libre(s) : archéologie