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Comprendre les mondes sociaux : introduction / Michel Grossetti. In "Comprendre les mondes sociaux 2014", colloque organisé par Le Labex Structuration des Mondes Sociaux (SMS) de l'Université Toulouse Jean-Jaurès-campus Mirail. Toulouse, Centre de congrès Dominique Baudis, 7-9 avril 2014.Dans un monde devenu opaque et incertain, un moment historique de crise et de doute, les sciences sociales sont plus que jamais indispensables, non pour proposer des solutions toutes faites, ou une « grande théorie » qui offrirait une grille de lecture universelle, mais plus modestement pour partager leurs résultats, leurs démarches, leurs questionnements. Il y quelques décennies, on s’en remettait à des sciences sociales encore en construction pour décrypter le monde et ses évolutions. On parlait à l’époque de « société », de « système » ou de « structure ». Enthousiasmés par leurs théories encore neuves, les chercheurs n’hésitaient pas à se lancer dans des interprétations globales, des « grands récits », parfois contradictoires et insuffisamment fondés empiriquement, mais qui séduisaient de nombreux lecteurs, parfois guidaient des mouvements sociaux ou des choix politiques. Certaines de ces œuvres sont à présent des références incontournables, d’autres sont tombées dans l’oubli. Et puis, les temps ont changé, certaines utopies transformatrices ont perdu de leur séduction. D’un questionnement du social, les préoccupations se sont déplacées vers l’individu, sa réussite personnelle, son entourage proche. Les gouvernements se sont de plus en plus appuyés sur des formes mathématisées d’analyse économique en phase avec des postulats individualistes et les logiques supposées des marchés.Mais, dans le même temps, les sciences sociales ont poursuivi leur progression. Leurs méthodes se sont raffinées, les études se sont accumulées, les chercheurs ont mieux pris la mesure de la complexité de ce qu’ils ont appris à nommer plus prudemment qu’auparavant le «monde social » ou, encore plus prudemment, des « mondes sociaux », sans préjuger de l’organisation et de la cohérence de ce qu’ils observaient. Ils ont pu vérifier toutefois la justesse des intuitions qui sont à l’origine de leurs sciences : la vie sociale est plus qu’une somme d’activités individuelles, elle n’est pas réductible à un vaste marché, elle est faite de multiples liens, de solidarités, de normes, de formes sociales complexes dotées d’une certaine inertie. Elle est inscrite dans des processus historiques multiples et ancrée dans des lieux hétérogènes, irréductibles à un espace indifférencié et parfaitement fluide. Elle n’obéit pas à des lois similaires à celles de la physique : on ne peut ni la mettre en équation, ni produire sur elle des prévisions certaines. Mais elle n’est cependant pas dénuée de régularités d’ordres, de logiques, que l’on peut décrire, comprendre et analyser. On peut réfuter certaines interprétations ou certaines analyses et en défendre d’autres, sur la base de données empiriques et d’arguments logiques. Il faut pour cela un travail patient de collecte d’informations, de confrontation des analyses. C’est ce travail qui est effectué dans les laboratoires, partout dans le monde.A Toulouse, la recherche en sciences sociales est effectuée dans des unités de recherches qui comprennent plusieurs centaines de chercheurs en sociologie, anthropologie, géographie, histoire, économie, science politique, science de la communication. Ces chercheurs se sont dotés d’un outil commun, le « Laboratoire d’excellence » Structurations des mondes sociaux.
Mot(s) clés libre(s) : sociologie (recherche)