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Qu’il soit biologique ou social, physique ou politique, réel ou fantasmé, le mot de « corps » est polysémique. Il renvoie à de nombreux domaines de recherches comme la science, l’histoire, la sociologie ou encore la philosophie.
Corps sublimés, corps blessés, corps niés ou corps remaniés, nous ne pouvons réfuter l’importance des pratiques corporelles dans l’analyse du travail. Le corps utilisé comme « outil » n’échappe pas à une construction symbolique ou culturelle conduisant et dirigeant l’action. Les discours biologisants ont relayé une certaine idée des corps masculins et féminin qui n’est pas sans lien avec la construction des rapports sociaux de sexe, allant à l’encontre d’une illusion de libération des contraintes à l’oeuvre. Aujourd’hui encore, on questionne la libération du corps des femmes à travers le voile ou l’IVG alors que le corps des hommes n’en est pas moins soumis à un idéal de masculinité virile.
Mais au-delà de leur matérialité, les corps féminins et masculins ont une histoire : ils sont liés à des enjeux politiques, économiques et sociaux qui nous obligent à penser la dimension du genre dans l’analyse du corps au travail et du travail du corps. Celui-ci n’échappe pas à des formes d’intériorisation des normes sociales liées, entre autres, au genre.
Quel est le traitement réservé au corps par le travail ? Comment celui-ci s’adapte-t-il aux contraintes sociales ou aux contraintes de genre qui lui sont associées ?
Lors de cette journée d’étude, les intervenants sont invités à enrichir le débat en croisant à la fois la question des corps, du genre et du travail.
Si beaucoup de travaux ont pu se pencher sur le corps féminin au travail (la manière dont il est façonné, utilisé, abîmé), il est également intéressant de s’interroger sur le corps masculin au prisme des injonctions à la virilité : conduite de dépense, importance de la force, etc. seront autant de pistes de réflexions développées. Les interventions seront étendues aux croisements classe, race et genre.
Session 1: Séance présidée par Anne Jacquelin, doctorante en sociologie au CRESPPA-GTM et discutée par Régine Bercot, Professeure à Université Paris 8, UFR Philosophie-SHS, et chercheure du CRESPPA UMR 7217 - Genre, Travail, Mobilités
Ce que l’anatomie-politique des corps cancéreux donne à voir du travail des femmes.
Michelle Paiva, doctorante en sociologie (CRESPPA-GTM)
Le cancer est une maladie chronique et la première cause de mortalité en France. Le poumon est en tête de
liste des tumeurs les plus meurtrières : 21 326 décès chez les hommes et 8 623 décès chez les femmes
(INCa, 2015). Par ailleurs, les études sur les inégalités sociales de santé constatent le désavantage des ouvriers
par rapport aux cadres face au cancer, conséquence de l’inégale sollicitation de leur corps au travail.
Or, que se passe-t-il si, au-delà de la position sociale, on s’intéressait à la relation entre genre et cancer ?
Alors que le cancer ronge indistinctement des corps d’hommes et de femmes, le statut qu’on lui accorde
semble cependant respecter des logiques genrées. Dans cette communication, nous allons tenter de montrer
que si la relation entre le travail réalisé par les hommes et leur cancer est difficile à établir, pour les
femmes, elle demeure souvent impensée. À partir de l’exemple du cancer du poumon et du cancer du sein,
nous allons tenter d’illustrer le fait que la distinction des organes atteints par le cancer, suit une anatomie aussi
biologique que politique, dans laquelle l’(in)visibilité du travail des femmes représente un enjeu majeur.
Le corps féminin à l’épreuve du travail en mer
Yvonne Guichard-Claudic, Maîtresse de conférence en sociologie à l’Université de Brest
La profession de marin est traditionnellement considérée comme masculine et le groupe professionnel s’est
historiquement construit comme sexué. Les différences physiologiques entre hommes et femmes et surtout les
représentations qui leur sont associées ont longtemps conduit à considérer la féminisation de cette profession
comme impensable. Désormais, cette féminisation varie selon les métiers mais l’hégémonie masculine reste très
marquée. Comment dès lors, les femmes « font-elles avec » un corps souvent considéré comme un frein ou un
obstacle à leur intégration professionnelle ? On abordera ici la question de la force physique, et de l’adoption
ou non des manières de faire masculines. On évoquera la neutralisation du corps sexué dans un espace restreint
où femmes et hommes se côtoient jour et nuit. On s’intéressera aussi au traitement juridique et institutionnel
de la grossesse et de la maternité. Au final, à travers le prisme du corps au travail, en mettant en perspective ce
qui change et ce qui résiste, on se demandera dans quelle mesure cette féminisation affecte l’ordre de genre.
Mot(s) clés libre(s) : rapports sociaux de sexe (genre), corps et travail