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Soin et prendre soin de la personne signifie, dans de nombreuses situations, approcher l’intime d’un corps à nu et dévoilé. Il semble pourtant que des limites soient difficiles à franchir dans la pratique infirmière quand le sexuel est en jeu. Attentes, non dits, évitements, contradictions paraissent inhérents à la sexualité dans les soins infirmiers, alors que le monde occidental a proclamé la libération sexuelle et que l’évolution des techniques biomédicales concerne aussi ce domaine. L’OMS propose des définitions de la sexualité et de la santé sexuelle, alors que, parallèlement, des lois françaises, ou articles du code de santé publique font référence à la sexualité comme domaine de prévention, de soins et de droit des individus.
Notre recherche s’est située au cœur de la formation infirmière et des questions des étudiants ou jeunes diplômés. À partir des définitions internationales de la sexualité, de la santé sexuelle et de l’approche globale de la santé, nous avons exploré la démarche de soin, les modules de pathologies, la démarche de santé publique et la relation d’aide, pour repérer ce qui permet d’aborder professionnellement ce domaine de la vie. Le questionnement a porté sur le rôle de tout (e) infirmier (ère), dans la diversité de l’exercice professionnel, en soin ou en santé publique, en situation individuelle ou collective. À l’appui du concept d’anomie, selon R. Merton, nous avons recherché, d’une part, si les buts et moyens en formation se situaient en cohérence avec les recommandations internationales. D’autre part, nous avons exploré en formation théorique et pratique, l’acceptation ou non de ces buts, ainsi que l’acceptation ou non des moyens recommandés pour les atteindre. Des enquêtes ont été menées auprès de formateurs et d’étudiants en fin de formation ; une analyse de mémoires d’infirmiers, travaux de fin d’étude ou de diplômes universitaires spécialisés dans l’éducation a complété ces données. Dans les limites de nos enquêtes, nous avons pu observer l’anomie sexuelle, en formation initiale. Un repli est manifesté, par rapport aux orientations internationales du concept de santé sexuelle, qui n’est repris qu’au détour d’un diagnostic infirmier. L’approche globale de la santé s’avère elle-même difficile à mettre en application dans la démarche de soin, alors qu’elle permettrait d’intégrer la santé sexuelle. L’éducation sexuelle, inscrite dans les textes officiels de l’exercice et de la formation des infirmiers, ne concerne que la prévention des risques sexuels, refermant l’approche globale sur l’hygiénisme. L’apprentissage de la relation d’aide souffre des replis précédents qui conjuguent les lacunes de connaissances spécifiques et les limites d’un savoir faire. Ce dernier étant retreint à une approche linéaire des dangers d’une sexualité reproductive. Ce repli néglige le développement personnel qui permettrait au futur soignant de découvrir ses propres émotions, représentations et valeurs qui interviennent dans la relation à l’autre.
Cependant, des formes de rébellion se manifestent, autant chez les formateurs que chez les étudiants. Des attentes d’innovation et nouvelles propositions émergent, pour lever l’anomie sexuelle en formation infirmière, en soin et dans le « prendre soin », comme en éducation.
Pour prendre en compte ces attentes, nous proposons un réaménagement de la formation initiale dans le cadre du développement personnel, qui prenne place dans le nouveau diplôme infirmier. Il s’appuie sur une éducation sexuelle régulière et continue tout au long du cursus, fondée sur les définitions de l’OMS d’une sexualité et d’une santé sexuelle, selon leur complexité, dans des objectifs de développement du jugement moral comme de l’approche globale de l’humain. Elle peut constituer une part d’un tronc commun à d’autres formations professionnelles pour passer du silence anomique, au langage dans le domaine sexuel et une coordination des professionnels dans la mise en œuvre des programmes de promotion de la santé.