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Cette
communication cherche à explorer un paradoxe. Dans le laboratoire,
quand elles sont encore des objets de recherche et de développement,
les substances chimiques apparaissent comme possédant des propriétés
chimiques, biologiques et physiques que les chercheurs et les
ingénieurs maîtrisent, contrôlent. Cependant, lorsqu’elles
quittent le laboratoire sous la forme d’objets technoscientifiques
de (grande) consommation, elles deviennent des « unruly
technologies », des objets technoscientifiques aux propriétés
inattendues, non envisagées au moment du travail de R&D, puis
réglementaire (autorisation de mise sur le marché, conformité
etc.), et qui s’avèrent souvent impossibles à maîtriser et à
gouverner. Les substances chimiques acquièrent ainsi de nouvelles
propriétés qui en font des substances délétères problématiques.
Elles deviennent allèrgènes, carcinogènes, mutagènes, toxiques de
la reproduction, perturbateurs endocriniens, persistantes,
ubiquistes. Elles ont des effets chroniques, de long terme,
transgénérationnels. Elles bio-accumulent, bio-potentialisent, ont
des effets synergétiques, circulent sur de très longues distances.
La communication apporte des éléments pour rendre compte de ce
hiatus entre univers de la R&D et réglementaires et vie des
substances chimiques hors du laboratoire. Elle propose une analyse
diachronique qui met en évidence l’importance du nombre et des
quantités de substances chimiquesmises en circulation dans
l’environnement depuis 1945 sans évaluation préalable et qui ont
progressivement changé la nature de cet environnement. Elle insiste
sur le développement important et régulier de nouvelles
connaissances scientifiques sur les effets toxiques tout en
soulignant que, malgré tout, peu de substances sont bien connues et
qu’un ensemble de problèmes complexes mais centraux restent encore
largement à explorer. Elle pointe sur l’existence d’un fossé de
plus en plus important entre les connaissances scientifiques et les
connaissances produites et mobilisées dans les systèmes de
régulation. En filigramme, elle caractérise trois modes de
gouvernement des toxiques, le gouvernement par les normes, le
gouvernement par le risque, le gouvernement par l’adaptation.
Mot(s) clés libre(s) : Objets technoscientifiques, substances allergènes, contaminants alimentaires