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Les réactions religieuses face aux politiques raciales (contestation, silence, participation)
Présidence : Denis Pelletier (EPHE/GSRL)
Les intervenants :
- Lucie Kaennel (Université de Zurich/GSRL)
« La pensée völkisch, ou comment des penseurs protestants ont pu servir la cause du nazisme »
Difficile à traduire en français, le terme völkisch est construit sur la racine Volk : « peuple », « nation », mais son acception dépasse la simple idée de « populaire » ou de « national ». Puisant dans le terreau du romantisme, en réaction au rationalisme de l’Aufklärung et à l’aliénation des individus par l’industrialisation galopante, contre une modernité et une civilisation qui coupent l’homme de son moi créateur, la pensée völkisch tire sa dynamique de l’alliance d’une foi allemande et d’un mysticisme de la nature avec le nationalisme, la teutomanie, le racisme et l’antisémitisme – autant de courants de pensée qu’elle a su fédérer en une idéologie nouvelle, constitutive du paysage intellectuel et spirituel de l’Allemagne wilhelmienne (1870-1914/18). On peut voir dans le rôle que jouent des penseurs protestants comme Paul de Lagarde, Arthur Bonus ou Arthur Drews dans sa diffusion et sa conceptualisation sous la forme d’un christianisme allemand ou d’une nouvelle religion allemande des pionniers idéologiques des différents groupements de « Chrétiens allemands » (Deutsche Christen) qui, voulant conduire les Églises protestantes dans la « rénovation nationale » préconisée par le national-socialisme, s’efforcent de formuler une synthèse entre la Weltanschauung völkisch et la foi chrétienne. Dans les années 1920, l’idéologie völkisch trouve un point d’ancrage théologique dans l’éthique politique que proposent les théologiens protestants Werner Elert, Paul Althaus ou Emanuel Hirsch en développant la théorie des « ordres de la création de Dieu ». Posés comme relevant de l’ordre divin, la famille, la société, la nation, l’État, la race, avec le peuple comme centre normatif, constituent le cadre obligatoire de la vie. À ce titre, le peuple, compris dans un sens ethnique – et non plus théologique –, confère une légitimité et une normativité théologiques à la réalité politique de l’État. On devine les interrogations qu’une telle compréhension pose en termes de soumission à un régime totalitaire comme l’a été la dictature hitlérienne et en termes de légitimation d’un tel pouvoir. Dans la foulée, d’autres théologiens protestants prolongent cette pensée, avec des accents propres, par exemple Gerhard Kittel. Elle est également instrumentalisée par les idéologues du national-socialisme, notamment dans le cadre de l’« Institut de recherche et d’élimination de l’influence juive sur la vie ecclésiale allemande » fondé en 1939 à Eisenach et dirigé par Walter Grundmann, alors professeur de Nouveau Testament et de théologie völkisch à
l’Université d’Iéna – et qui, après la guerre, deviendra informateur de la Stasi… Cartographier la filiation de cette tradition qui a traversé le protestantisme allemand et proposer une relecture généalogique de l’idée völkisch en terrain protestant, non seulement permet de reconnaître le rôle tenu par ces acteurs protestants sur la scène nazie, mais apporte également un éclairage nouveau sur les racines spirituelles du national-socialisme.
– Dirk Schuster (Université de Postdam)
« The German Christian Church Movement and the Christianity for “Aryans” »
Beginning in 1933, the German Christians Church Movement (Kirchenbewegung Deutsche Christen) from Thuringia took over control in a couple of Protestant regional churches in Germany. The German Christians were the most radical fraction within German Protestantism that combined religion and racist nationalism. This inner-church movement considered Adolf Hitler as the legate of God to save the German « Volk » as one racial unity. For German Christians the creation of a « völkisch » faith on the basis of race, Christianity, De-Judaisation (of Christianity) as well as the fight against secularization and individualization was a main motive of their agitation. They interpreted secularization, internationalization, capitalism and communism as a punishment by God for the apostasy of Germans from true Christian faith which started with racial mixture and “Jewish influences”. As the German Christians believed, in the darkest hour God send Adolf Hitler to the German people as the Savior. Under his rule, so the thinking of the German Christians, not only the « Volk » should be returned to God, but also all « Aryan » Germans would be confessional comprised in one national church. My presentation will discuss this religious model of one of the most influential church movement in the Third Reich. In my presentation I will mainly refer to the relation of religion and race in the common belief of this movement. By adopting National Socialism to Christian propagation, the religious focus went over the world to come to the mortal world. Additionally, « Non-Aryan » people were excluded from the church, even though they were Christians, since Christianity was considered a faith only for racial « Aryans ». Despite this extreme nationalization of religion, the German Christians remained part of the Protestant Church until the end of the Third Reich. Their success in a couple of regional churches clarifies the acceptance of such a common belief in parts of Protestant population during the 1920s and 1940s.
Discussion
Mot(s) clés libre(s) : religion et politique, religion et Etat, RELIGION ET RACE