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Écrire à conte-courant ? L'unité souterraine des romans de Patrick Chamoiseau / Maeve McCusker. In "Patrick Chamoiseau et la mer des récits", colloque international organisé par le laboratoire Lettres, Langages et Arts (LLA CREATIS) de l'Université Toulouse Jean-Jaurès-campus Mirail, 8-10 octobre 2014. Thématique 6 : Esthétiques naratives et récits des Amériques.L’île antillaise fut, à partir des
premiers textes consacrés à la région par les voyageurs, considérée comme un
objet en miniature, quelque chose à acquérir, à admirer, à consommer et à
posséder. Les écrivains antillais eux-mêmes ont souvent imaginé cet espace insulaire
et archipélagique en termes qui soulignent la contrainte, l’exiguïté (c’est le
mot utilisé dans l’incipit de Pluie et
vent de Simone Schwarz-Bart), et en métaphores évoquant la petitesse (poussière ;
olive ; miette ; perle,
diamant ou émeraude ; chapelet). Ces images, relevant de l’univers terrien
de l’île, cherchent à stabiliser ou à concrétiser les contours de l’espace. Plus récemment, et peut-être en
réaction à cette focalisation sur l’étroitesse, ce sont les motifs de la circulation,
de la mobilité, de la dispersion et des flux qui ont dominé le discours antillais,
que ce soit la phrase célèbre de Walcott, « The sea is history », citée par
Glissant dans "Poétique de la relation",
ou, dans le même texte, l’épigraphe « l’unité est sous-marine » tirée de
Brathwaite, ou même la description des Antillais comme étant un « peuple de la
mer »(Benítez-Rojo). La théorie glissantienne de la relation, ainsi que la
créolité de Chamoiseau et de ses confrères martiniquais, prônent l’ouverture et
l’échange, et sont souvent considérées comme appartenant au courant postmoderne
de la théorie postcoloniale, qui valorise les routes et non pas les « roots »
(Gilroy 1991). Cependant, une analyse des romans
de Patrick Chamoiseau révèle un intérêt constant pour le localisme et pour l’espace
insulaire, même si Chamoiseau récuse le mot “île” comme une invention
occidentale, et un lexème qui n’existe pas en créole. Ce sont des lieux de
l’arrière-pays (la ville ; le bois ; la case créole ;
l’habitation), plutôt que, par exemple, le port ou le littoral, qui sont
valorisés dans sa fiction. L’île devient cependant un lieu inépuisable, un
espace de plénitude, de création et d’histoire; et cela, en partie, à cause de
son attention à la couche souterraine
du pays. Dans cette communication, Maeve McCusker propose d’analyser la
construction de l’espace souterrain (cimetières ; cachots ;
prisons), qui permet à l’auteur d’excaver l’histoire, et même la préhistoire,
de son pays, dans trois de ses romans les plus importants: "L’Esclave vieil homme et le molosse" ;
"Biblique des derniers gestes" et "Un dimanche au cachot". Dans ce dernier,
c’est une expérience proprement catabatique qui permet à
l’auteur de déterrer le passé antillais ; c’est à travers la descente
verticale, et non pas à travers la migrance horizontale, que le protagoniste
arrive à mieux comprendre l’histoire et l’identité antillaises.[Illustration adaptée de "Mystery River", photographie de Mattias Ripp, 2014, publiée sur Flickr].
Mot(s) clés libre(s) : littérature française (20e-21e siècles), Patrick Chamoiseau (1953-....), littérature antillaise de langue française, souterrain (dans la littérature)