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En ces temps de crise de la filiation, quand le lien entre les générations est visiblement mis à mal, le maître, de tous côtés, est enjoint de "transmettre ". Et, effectivement, "transmettre" est bien le premier devoir de l'enseignant : l'enfant a, plus que jamais, besoin d'être introduit dans le monde, inscrit dans une histoire. Il ne peut grandir sans maîtriser les langages fondamentaux des hommes, sans intégrer les règles fondatrices de la socialité. Mais l'impératif de la transmission, quand il s'exaspère et perd de vue la spécificité de la relation éducative, peut conduire le maître au bord de l'abîme : dans l'alternative mortifère entre "la fabrication" et "la démission", entre le passage en force pour quelques-uns et l'exclusion des réfractaires. C'est que l'éducation ne "fabrique" pas mais accompagne l'émergence d'une liberté. Dans ces conditions, la transmission ne peut céder à sa dérive "mécanique", elle doit échapper au conflit des volontés qui gangrène l'institution scolaire et engendre tensions et violences. L'École ne peut pas concevoir son rôle à la manière d'une "colonisation de l'intérieur". Mais, elle ne peut pas, non plus, renoncer à son projet de permettre l'accès de tous aux formes universelles de la culture. Enseigner, dans ces conditions, est bien un de ces "métiers impossibles" décrit par Freud. Et, pourtant, c'est une activité quotidienne pour des millions de personnes dans le monde. Activité qui devient envisageable dès lors qu'elle est consciente des contradictions qui la traversent.
Mot(s) clés libre(s) : enseignement, pédagogie, transmission du savoir