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Chronique pygmée, Akungu décembre 1995 : Mort et naissance de Masiki
/ 19-12-1995
/ Canal-u.fr
EPELBOIN Alain
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Chronique pygmée Akungu, Centrafrique, décembre 1995 : mort et naissance de Masiki
Dans le campement d'Akungu en République centrafricaine où vivent Ginza, sa famille et les parents associés, la communauté est sous le choc de la mort récente de deux fillettes, provoquée par la consommation d'une igname toxique. Les journées sont marquées par différents événements, en particulier de thérapie familiale. Mambi raconte l'avortement qu'elle vient de vivre. Sa grossesse n'était pas désirée et menaçait sa vie et celle de son dernier-né. Elle met en cause son mari, Ginza qui ne veut pas utiliser de préservatifs. Koti, la co-épouse stérile de Ginza, souffre d'un mal de dos Il la soigne à l'aide de scarifications, ainsi que sa mère, Masiki, qui a mal au genou. Bonéné, dont l'accouchement est imminent, pleure encore souvent la mort de sa petiteMasiki. Les autres femmes se lamentent avec elle. Elle est également soignée par scarifications pour remédier aux maux et angoisses de son état. Un rituel de réconciliation réunit les habitants du campement qui en crachant sur des feuilles conjurent la malchance à la chasse. Mambi retire les puces-chiques des pieds de sa fille, Pauline; Noël, son fils est soigné pour des maux divers attribués à des ruptures d'interdits alimentaires. Par une nuit fraîche, Bonéné accouche d'une petite fille qui est nommée Masiki, du nom de sa sœur décédée et de celui de sa grand-mère.
Chapitres :
01 Avortement de Mambi : comment elle faillit en mourir 5 mn 53Récit de l’avortement provoqué de Mambi :
8 h 30
Mambi : - Il faut que Ginza se marie !
Alain lâche le crayon pour braquer la caméra et son long micro directionnel.
Mambi : - Il faut que Ginza se marie !
Koti, avec une expression de dépit : - Ginza ne va pas se marier ? !
Koti stérile, amoureuse et jalouse de son mari ne goûte guère la proposition, et ne la traite pas en plaisanterie.
Mambi : - Ginza se marie, une (nouvelle) femme. Il va compléter avec Koti, ça fait trois femmes. (#)
Moi, je ne tarde pas à être enceinte !
Ginza tout doucement : - Moi, je ne me marie pas.
Mambi s’adressant à la caméra : - Après toi, Alain, quand tu es parti, moi et Ginza, on s’est volé (fait l’amour) deux fois. (#)
Moi, j’ai attrapé la grossesse.
La surprise a été d’autant plus forte que la période de l’allaitement est pensée peu féconde et que bien que l’on connaisse des cas où un seul rapport sexuel a été fécondant, on croit à la nécessité de rapports multiples pour entretenir la grossesse.
Ma tête est devenue folle.
Les gens parlaient (médisaient) beaucoup, beaucoup.
La reprise prématurée des rapports sexuels avant la fin du sevrage est l’objet d’opprobre : elle est la preuve d’un appétit sexuel féminin illégitime.
Moi, j’avais maigri, je ne voyais pas le haut.
Je ne pouvais pas manger.
Très certainement des vertiges liés à une anémie débutante chez une jeune mère épuisée par sept grossesses et allaitements menés à terme, "déprimée et angoissée" de surcroît…
Moi, j’ai dit à Ginza : - Ah ! Alain avait dit. Il avait donné des choses là, des choses que l’on met devant les hommes, c’est quoi… Alain avait donné des capotes. Si tu as envie de moi, tu portes ça et l’eau de ton sexe reste là.
Et tu prends l’eau, tu jettes dans la forêt.
Moi, j’ai dit regarde : - Quand tu m’as baisée sans capote, regarde, c’est moi qui souffre.
Alain t’avait dit ! Regarde maintenant !
Depuis les années 1987, Alain ne cesse de tenter de sensibiliser en vain ses réseaux de connaissance à l’usage de préservatifs tant à des fins de préservation des maladies sexuellement transmissibles, qu’à des fins de contrôle des naissances.
Lors du séjour précédent, il n’avait donc pas été difficile de prédire à Mambi, que sans préservatif, compte tenu de ses antécédents de grande fécondité, la reprise des rapports sexuels aboutirait à une grossesse non désirée, compromettant sa vie et celle de son dernier né.
Les Blancs sont comme les mamiwata, les sirènes (les génies des eaux).
Regarde maintenant.
Longtemps, longtemps, longtemps, longtemps, les gens étaient en train de dire (médire) beaucoup : le ventre commençait à gonfler.
Regarde mon ventre, regarde mon ventre. !
À ce moment, Noël (âgé d’une douzaine de mois) n’avait pas commencé de ramper.
J’allais mourir.
J’ai écouté comme ça. J’ai dit à Ginza : - Ta personne (toi) ! (Si) tu veux que la grossesse reste, moi je vais manger quelque chose et je vais mourir.
Je prends quelque chose de dur (amer, toxique), je mange, je vais mourir et tu vas ramasser (mon cadavre).
Ginza écoutait comme ça et il commençait d’aller de gauche à droite. Il est parti aux gens. Il est allé voir la mère de Bokayo (la mère de l’épouse d’Isanya, le cadet de Ginza) qui était au campement derrière.
Mambi imite la voix de Ginza éploré, quêtant sans succès un abortif sans danger.
(Ginza) : - Regarde-moi la femme, cherche lui les médicaments.
Regardez, regardez-moi la femme.
Regardez peut-être pris dans le sens "prendre en considération" ou demander une divination à un devin-regardeur.
Quand il parlait, il allait pleurer.
(Ginza) : - Donne lui les médicaments, elle boit.
Tout le monde refusait.
(Les gens) : - On ne veut pas être des témoins, parce que l’enfant reste (il y a un enfant au sein). La maman boit le médicament : ça va rentrer au sein de sa mère et l’enfant va téter. L’enfant risquerait de mourir.
Selon les théories autochtones, les principes actifs contenus dans l’alimentation de la mère passent dans son lait. Les pourvoyeurs de la drogue abortive risquent donc d’être accusés de la mort de l’enfant au sein. Au même titre que les responsables de la mort d’un individu, par arme, par poison, ou par sorcellerie, ils peuvent être condamnés par un tribunal coutumier villageois à verser des indemnités aux "parents" aka et villageois du défunt.
J’ai fait deux mois de grossesse, regarde mon ventre.
Deux mois à partir de l’arrêt des règles ou plus ? Très difficile de le préciser. Il semble que la grossesse ait été très avancée au moment de l’avortement (4-5 mois)
Je cherchais les moyens (d’avorter), en vain !
Dans ces sociétés, on attribue volontiers à des sorciers ou à des esprits le pouvoir de provoquer un avortement provoqué. C’est une pratique exceptionnelle chez les humains et rares sont les connaisseurs de drogues abortives non mortelles. Afficher la connaissance de tels types de savoir revient à prendre le risque de se voir affubler d’un statut de sorcier par la rumeur publique et les ennemis.
Je ne mangeais pas.
J’avais le cœur noir (des idées sombres), j’avais pas d’appétit.
J’ai rêvé : - Alain, m’a envoyé…
Les Blancs sont des diables c’est vrai !
Elle décrit le soutien qu’Alain lui a adressé à distance, dans le surmonde où devins-guérisseurs, esprits et sorciers se côtoient : un rêve qui regroupe différents fragments de causeries antérieures.
...Alain torchait (éclairait avec une torche électrique) dans mon ventre, longtemps, longtemps, longtemps, il me dit : - J’ai vu un enfant dans ton ventre là, tu as demandé à Masoy ?
Effectivement, Alain frappé par l’intelligence et le bon sens de la veuve de Léma (le frère défunt de Yakpata = l’oncle paternel de Ginza), par ailleurs bonne herboriste, n’avait pas manqué de souligner ses qualités peu remarquées du fait de sa discrétion. Il avait donc insisté sur le fait que, en cas de problème, elle serait sûrement de bon conseil.
(Mambi) - Avec quoi (avec quelle rémunération) ?
(Alain) - Dis à Masoy de te donner (gratuitement) les médicaments, tu vas boire et tu vas faire l’avortement, et tu vas rester sans problème.
Si tu doutes avec moi Alain, et que l’enfant reste, tu vas voir avec tes propres yeux. Tu vas mourir, tout entière, tu vas mourir.
J’ai écouté comme ça, je suis devenue folle.
En rêve, Alain, sous couvert de Masoy, légitime l’avortement. Mais il semble que Masoy n’était pas présente au campement et que Mambi ne pouvait pas solliciter son concours.
J’ai pris mon grand couteau (machette), je suis allée jusqu’à Bokoma (campement où résident des parents et alliés).
J’ai dit : - Mes amis ! Aidez-moi !
Elle a pris son unique machette pour pouvoir payer le remède abortif. Son désir était tellement puissant, qu’elle était prête à sacrifier son principal outil de travail personnel !
Émue, Mambi saute la suite de récit pour en venir à ce qui s’est passé après l’avortement.
À peine (peu après), Noël allait mourir dans mes bras. Merci à l’hôpital !
Elle reprend le récit chronologique.
... Les gens (de Bokoma) ont refusé là-bas : - Nous, on ne veut pas de témoin (être témoins et/ou complices).
J’ai écouté comme ça.
Mon anus était devenu comme le genou, comme ça !
Comme à tous les instants dramatiques du récit, Mambi éclate de rire, casse l’émotion par une plaisanterie dirigée contre elle-même, ici ses propres poussées hémorroïdaires. Sa fille Koti, agenouillée à ses côtés et qui écoute attentivement depuis le début, tressaille et sourit étrangement.
Je suis allée de gauche à droite, mais je ne suis pas arrivée à Kenga.
Tous mes rêves étaient sur les diables, (impliquaient) les diables, les diables !!!
Les esprits de la forêt ne cessaient de la visiter.
L’une de mes camarades (identité non donnée et non demandée) qui m’aime beaucoup : - Regarde l’arbre là (#), regarde l’autre là : deux arbres. Quand tu enlèves l’écorce, tu manges ça cru.
Moi, j’ai enlevé (taillé des morceaux d’écorce), j’ai mangé… J’ai avalé, j’ai avalé, c’était amer !
On était de retour de Bokoma. Arrivée au campement, j’ai bouilli encore le reste, longtemps, longtemps, longtemps. Je buvais ça avec feu (brûlant), avec feu, avec feu, chaud, chaud, chaud.
Je suis allée derrière la maison, j’ai vu le sang qui commençait à sortir. - Koti ! Viens voir !
Koti me dit : - Ah ! Il ne faut plus boire le médicament !
J’ai dit : - Allez ! Vas t’en ! Passe là-bas ! Vas t’en là-bas !
Longtemps, longtemps, longtemps, longtemps, je buvais, je buvais, je buvais, je buvais souvent, souvent, souvent !
Comme toujours, dans ce type de récit, les événements semblent se succéder sans interruption, permettant l’établissement de liens de cause à effet directs, alors qu’il a pu s’écouler un laps de temps très long entre la première prise de "toxique", cru puis cuit, le premier saignement et l’avortement proprement dit. Les propos ne permettent pas d’affirmer ou d’infirmer les propriétés pharmacologiques et toxiques des substances absorbées.
Koti et Ginza étaient partis au village.
Difficile de savoir a posteriori si Ginza est parti au village, pour répondre à un appel impératif de ses patrons villageois, ou pour fuir (consciemment et/ou inconsciemment) ses responsabilités vis-à-vis des actions abortives de Mambi.
Koti et Bokayo (la belle-sœur, épouse du cadet de Ginza) m’ont dit de ne plus boire le médicament. - Il faut laisser ça, ça reste (laisser le restant). Quand (si) tu fais l’avortement, ça va être dur !
J’ai dit : - Allez ! Allez là-bas !
Dans la phase la plus éprouvante, Mambi se retrouve isolée.
Moi, j’étais là, je continuais à boire avec feu (brûlant)
Je suis allée cueillir les feuilles de k`Ok`O (disponibles à proximité du campement), le sang commençait à sortir !
Je suis venue de là-bas, je suis venue dormir ici. Le sang dit fffui. Je me suis promenée, la nuit, la nuit, la nuit, toute la nuit.
J’ai dit : - oh ! C’est moi-même qui avais cherché la mort !
Quand il voulait faire jour (au petit matin), je suis allée dans la forêt. J’ai voulu pisser : L’enfant est sorti !
J’ai dit : - C’est vrai ! C’est l’enfant ! C’est un garçon.
J’ai dit : - Oh ! Merci à Jésus, j’allais mourir pour rien.
Ici là, la maison de l’enfant (placenta et annexes) là !
Longtemps, longtemps. La maison de l’enfant n’est pas sortie vite. J’ai lutté longtemps, longtemps, longtemps, longtemps.
Apparemment, la grossesse était déjà bien avancée, puisque la délivrance a été longue et pénible, certainement accompagnée et surtout suivie de saignements importants qui ont aggravé son anémie.
À ce moment, Ginza était au village à Bagandou. Je faisais commission à Ginza en vain. J’envoyais la bouche (des commissions orales) à Ginza en vain, Ginza ne venait pas ! Moi, j’étais en train de souffrir seule.
Dans ces sociétés, il est quasi normal que des absences durent plus longtemps que prévu : il y a d’excellentes raisons à prolonger un séjour au "village" : corvée imposée, cérémonie de funérailles, disponibilité de nutriments appréciés (tabac, vin et huile de palme, alcool, chanvre, etc.).
Je suis allée prendre bain (à la source, à 200-300mètres) : j’ai senti la fraîcheur de l’eau. La mort a dit oui ! Je vais mourir dans l’eau.
Tout le monde était parti dans la forêt. J’appelais les enfants : - Mongay (son fils âgé d’une dizaine d’années) eh ! Venez chercher Noël, je meurs.
J’ai dormi (perdu connaissance ?) longtemps, longtemps, longtemps ! Je me suis réveillée, j’ai regardé, j’ai vu les feuilles de kàm&a (Drypetes capillipes Euphorbiacée) J’ai pris les feuilles de kàm&a, j’ai frotté ça, j’ai flairé l’odeur. J’ai frotté les yeux. Les arbres tournaient dans mes yeux (vertiges). J’ai dit : - Je ne peux pas mourir comme un animal ! Il faut que je vais dormir dans la maison. Je me suis levée pour venir. J’ai dormi, dormi. Le sang commençait de couler depuis la chambre, jusqu’à…, dans la chambre, même la chambre de Koti.
Mombaka (le fils du premier mariage de Ginza) est rentré : - Il a dit : - Eh ! Vous avez égorgé une vache ici ? !
Le sang ne me faisait pas mal (hémorragie indolore).
Mambi à un de ses enfants qui l’interrompt : - t&un&a (mouche filaire hématophage = insulte) !!! Va là-bas, je travaille !
Le sang s’est arrêté, je me suis levée.
Apparemment, elle était sauve : mais les esprits de la forêt n’étaient-ils pas offensés et n’allaient-ils pas compromettre la réussite à la chasse des hommes pourvoyeurs de viande.
Mombaka avait tué un sòm&e (Céphalophe à fesses noires) avec la cartouche de Ginza, avec le fusil (prêté par un de ses patrons villageois).
J’ai dit : - Il faut que j'envoie un gigot à Ginza au village. Je suis allée dormir là-bas, je suis revenue.
Mambi porte (ou fait porter à son mari ?) la preuve du fait qu’elle est vivante, que l’écoulement de sang provoqué n’a pas fâché les esprits de la forêt, puisque Mombaka, témoin de l’hémorragie a réussi à tuer un animal avec l’unique cartouche de son père. Lorsque quelqu’un est accusé d’avoir une responsabilité matérielle ou magique dans un décès, la réussite à la chasse est le meilleur moyen de prouver son innocence.
Le fait que cet animal ait été tué non seulement à l’aide d’une cartouche appartenant à Ginza, mais aussi tirée à l’aide d’un fusil villageois est une preuve valide aux yeux de la justice villageoise. On peut penser que l’absence de Ginza au plus fort des événements était aussi un moyen de dégager sa responsabilité aux yeux de ses patrons villageois, prompts à fustiger les "inconduites" de leurs Pygmées et à les punir sous la forme de corvées dans leurs champs. Dans des occasions conventionnelles (décès, mariage, naissance), les patrons villageois ne manquent pas de rappeler leur parenté classificatoire afin d’exiger leur part. En 1991, lorsque Mombaka s’est marié, les autorités de la mairie de Bagandou l’ont condamné à des travaux forcés pour désobéissance caractérisée, parce qu’il avait refusé d’exécuter les prestations matrimoniales exigées par les propriétaires de la famille de sa femme.
Mambi, décrit les suites de l’avortement : - J’ai dit : - Comme je suis venue là, en fatigue là, il faut que j’aille aussi dans la matinée aux pesées chez la Sœur (consultation de santé maternelle et infantile).
Je suis allée aux pesées là-bas, quand je suis venue, je sentais mal au pied.
Mine de rien, les itinéraires décrits par Mambi correspondent à chaque fois à des distances de 15 à 35 kilomètres, c’est-à-dire, une demi à une journée de marche, avec hotte, marmite et récipients, outils, nourriture de bouche, et Noël à porter !
Ma cuisse, c’était comme si les sorciers ont tiré, ont tiré (projeté un dard magique dans) la jambe, ont enlevé la chair (dévoré). Je faisais les merdes derrière la maison de Ginza, là où il a planté les ananas. Je ne pouvais pas aller loin dans la forêt, parce que j’avais mal au pied. Longtemps !!!
Elle semble décrire une lombo-sciatique carabinée, puisqu’elle ne réussissait pas à gagner l’aire de défécation habituelle, la galerie forestière du cours d’eau Akungu, à quelques centaines de mètres : seuls les petits enfants et les malades graves empruntent une aire de défécation aussi proximale.
Derrière ça là, je n’avais plus de sang, le sang était déjà sec. Moi, j’ai coupé, j’ai coupé le doigt avec la hache, il n’y avait plus de sang qui sortait, il n’y avait que de l’eau qui coulait.
J’ai dit : - Ah ! Si je reste ici avec Ginza, je vais mourir à Akungu. Il faut que je vais là où je veux
J’ai pris (attrapé) un poulet le soir. Le premier chant de coq, je suis en route.
Rappelons que les Aka ne consomment pas les poulets qu’ils élèvent, les réservant au troc ou à la vente avec les Villageois.
Je suis allée chez la sœur (Lucienne). Lucienne a payé le poulet. Elle m’a donné (acheté) 500 F.
Les sœurs missionnaires catholiques reprochent aux Villageois d’exploiter les Pygmées en leur volant ou leur achetant à vil prix les produits de la forêt ou leur volaille. Aussi ont-elles mis en place un magasin réservé aux Pygmées où ils peuvent vendre et acheter à prix constant.
J’ai pris 500 F, je suis allé donner ça à Major (l’infirmier du dispensaire catholique). Le major a dit quand il m’a vu : - Ah ! Tu ne peux plus retourner, ton sang est déjà sec.
Le major m’a hospitalisé deux semaines. Là, je ne recevais que des piqûres, des piqûres : tous les bras étaient envahis de piqûres.
Elle mime des poses de perfusion et des meurtrissures des plis des deux coudes
Major m’a dit : - Il faut refuser ! Il faut refuser ! Il faut que tu fuies ton mari et il faut que ton mari aussi te respecte. Il te fuit. Si tu continues toujours de faire l’amour avec ton mari, prochainement ! On va t’opérer (ligature des trompes).
Vœu pieux, puisqu’irréalisable à la maternité catholique.
Et je dis ça : - Il faut que Ginza marie une femme ! Jamais (= absolument) !
Il faut qu’on devienne trois. Parce que si je dors, mon bassin me fait kpekpe, kpekpe ! L’os de mon dos ça bouge, ça fait kpekpe, kpekpe, parce que c’est fatigué. Je ne peux plus bouger.
La causerie, c’est ça.
La douleur, ça va directement au niveau du bassin.
C’est fini. La causerie est finie. Ce que je te dis, c’est pour la dernière fois. Si je n’avais pas (fait l’avortement)…, tu devrais venir trouver, moi et Noël, on devrait depuis mourir (être morts). Avec les amis (Monduwa, Bobino, Mokoso, Mado), tu devrais venir, arrivé ici, moi j’étais déjà décédé.
Les Villageois étaient là à dire : - Oh ! Toi et Ginza ! Ginza laisse d’abord la femme ! Laisse d’abord la femme. Laisse d’abord ta femme !
Il s’agit là d’un jeu de rôle moralisateur et conformiste dans lequel se complaisent et excellent nombre de patrons villageois. Ils s’efforcent ainsi d’affermir leur emprise sur les Pygmées, de montrer leur supériorité de civilisés éloignés de l’animalité pygmée incapable de contrôler ses pulsions sexuelles.
Moi, je leur ai dit : - Eh ! Ce n’est pas de ma faute, ce sont d’abord les œufs. C’est Dieu qui m’a donné ça !
Mambi relie sa fécondité aux œufs nombreux que contient son ventre. Il s’agit d’une représentation où les discours prodigués par le major et les autres thérapeutes d’inspiration biomédicale ont laissé des traces.
Je suis ici là : si l’enfant essaye de ramper un peu là (12-14 mois ?), si l’homme veut me voler (faire l’amour), directement, ça passe avec (devient) la grossesse.
Moi, je veux que Ginza marie une femme.
Pour les autres, c’est pas comme ça : pour moi, là, quand je triche, une fois là, deux fois là, c’est fini, je passe avec la grossesse.
Je n’ai pas dit que moi et Ginza, on va se séparer. Non ! Mais il faut qu’il marie une femme, il me laisse un peu le temps que mon bassin (ngbònd&&o) soit dur (consolidé), avant de me grossir.
S’il veut me monter sur le lit, donc, il veut seulement ma mort, il ne veut pas ma vie.
La dernière causerie, c’est ça.
En proposant une troisième épouse à son mari, c’est-à-dire en se comportant en femme stérile qui accepte une coépouse, Mambi ne renvoie pas son mari à sa pulsion sexuelle masculine, mais à un questionnement sur son incontournable pulsion génésique. Il faut se souvenir de l’existence de Koti et donc de la possibilité de satisfaire le seul désir sexuel. Héritier de son père et déjà dirigeant de fait de la majorité des habitants d’Akungu, Ginza a tout intérêt à augmenter sa progéniture propre. L’idéologie pygmée pousse les hommes les plus valeureux, heureux à la chasse et donc en amour, à prendre en charge deux épouses. Plus, c’est exceptionnel, alors que c’est fréquent chez les "notables" villageois.
Alain tournant la caméra vers Ginza : - Tu es d’accord ?
Ginza : - Je n’ai rien à dire !
Qu’est-ce que je vais dire ? Je n’ai rien à dire ! Oui ! C’est tout ce qu’elle a dit.
D’autres femmes, là ! Même les enfants qui n’ont pas encore rampé là. Elles se volent aussi le corps. Ils peuvent bien se voler…
Même doléance que son épouse : l’excès de fécondité est féminin.
Et moi j’écoute seulement ce qu’elle a dit.
J’ai écouté ce qu’elle a dit et moi je vais chercher une femme à épouser. Ce qu’elle a dit, ça m’intéresse.
Plaisanterie ? Propos sérieux ? Menace implicite de divorce ?
Elle a tout dit, je n’ai rien à dire.
Quoiqu'il réponde, il y a risque de dispute : il s’en sort en rigolant, sans conviction, tripotant son pantalon, afin d’en arracher les graines qui s’y sont accrochées.
Alain, toujours de derrière la caméra : - Et toi Koti ?
Koti : - Moi, je n’ai pas de quoi à dire : tout, c’est ce que Mambi a dit.
Elle évite de se prononcer sur la solution proposée par Mambi et se fait le chantre du respect de l’interdit de reprise des rapports sexuels avant le sevrage. Sept enfants en une petite quinzaine d’années : les intervalles intergénésiques n’ont pas été respectés. Chaque grossesse l’a renvoyée à sa propre stérilité, mais lui a aussi fait craindre le pire pour ces enfants, auxquels elle est très attachée.
Pour moi, ce qui me touche, c’est de donner des naissances continuellement.
Si elle donne naissance, il faut que l’enfant grandît.
Mais les enfants restent comme ça (geste de la main à hauteur d’un très petit enfant), Mambi est grosse.
L’enfant reste comme ça, Mambi est enceinte.
Chaque jour, chaque fois, chaque fois, chaque fois, les enfants restent petits, petits comme ça ! Est-ce que c’est bien ?
Je l’ai laissée ici, je suis allé à Iseki.
Apparemment les deux rapports sexuels ont eu lieu en son absence de la maison.
Il faut que l’enfant grandisse au moins (geste de la main),
Ginza grossit (féconde) Mambi ! Mais les enfants restent de cette taille là,
Ginza grossit Mambi ! C’est pas bien.
C’est ça qui me touche beaucoup !
Elle termine son propos sur une mise en accusation de son mari et donc de la masculinité.
Ginza : - À part ça, je n’ai rien à dire. Toi-même, tu as aussi ton cœur !
Si je veux, cette année-ci, je vais marier une femme (mo) aka de Mbaïki. Elle me prépare une grande boule (de manioc), je vais manger !
Ginza casse l’émotion par une plaisanterie mettant en scène un mariage impossible puisque les dîtes femmes de Mbaïki sont accusées de cynophagie.
La causerie est finie.
02 Danse du sida 1 mn 27
Improvisation d'une chanson et d'une danse sur le sida, à la suite d'une campagne de sensibilisation.
" - Le sida, c'est dur. Le sida, la maladie des villageois ! Si ca continue, on va baiser avec les doigts ! "
Ce qui est une grande obscénité, puisque dans cette société, il ne convient pas que la main de l'homme touche la vulve de sa partenaire : tout au plus, peut -il tirer les poils de la toison pubienne, appréciée lorsqu'elle est abondante.
03 Cure du mal de dos de Koti 4 mn 06
Koti, la coépouse stérile de Mambi souffre d'un mal de dos.
Ginza et Mambi vont en forêt chercher une écorce médicinale.
Mambi gratte le liber du morceau d'écorce et l'applique sur les scarifications qu'elle a tracé sur le dos de Koti à l'aide d'une lame de rasoir.
Après le traitement, Koti repart soulagée.
04 Cure du mal de genou de Masiki 53 s
La vieille Masiki demande à Mambi de lui faire profiter du remède qu'elle a préparé pour soigner le mal de dos de Koti. Elle souffre de son genou, supposant que son mal est dû au fait qu'un malfaisant lui " a tiré" dessus
Mambi s'exécute, scarifie le genou douloureux et applique le remède.
05 Chasse, cuisine, rat 2 mn 37
Le repérage d'un petit rongeur dans les broussailles limitrophes du campement mobilise l'attention du campement, et tout particulièrement celle des enfants. Très sérieusement, comme si c'était un vrai gibier, les adolescents, sous la direction d'un jeune homme organisent la chasse : la bestiole est guettée, sagayée, assommée et déposée dans la hotte que tient une fillette, comme à une femme adulte.
Puis, sous le regard gourmand de Wawa et Koti, Mombaka lui grille les poils, l'évide, la sale, puis la fait cuire à l'étouffée sur la braise, enveloppée d'un morceau de feuille de bananier.
06 Pleurs de Bonéné 2 mn 22
Montage d'images évoquant la petite Masiki décédée des suites d'un empoisonnement par une igname toxique.
La bande-son a été enregistrée avant le lever du jour, Bonéné s'étant mise à pleurer, rapidement accompagnée par d'autres femmes du campement.
07 Scarification Bonéné 1995 1 mn 43
Monduwa applique une pâte-remède sur des scarifications qu'il a pratiqué sur la poitrine et le dos de Bonéné, prête à accoucher, dolente de la mort très récente de sa fillette Masiki, empoisonnée par une igname toxique.
08 Discorde et infortune, réparation par la salive 5 mn 48
Comme à chaque fois que l'infortune frappe le campement, surtout après des disputes, on improvise un rituel de réconciliation par la salive en faisant cracher tous les résidents du campement sur un faisceau de feuilles sp.
Une dispute pèse sur les esprits, déclenchée par un vol de viande d'Isanya par le chien de Mambi.
Comme à chaque fois, certains ne se gênent pas pour dire ce qu'ils ont sur le coeur.
09 Extraction des puces-chiques 4 mn 03
10 Thérapie d'interdit par la crotte de chien 6 mn 38
11 Découpe et partage d'une papaye par les enfants 1 mn 11
Wawa découpe très habilement une papaye avec une machette et la partage entre les enfants du campement.
12 Jeu de poursuite 35 s
Revigorés par les petits morceaux de papaye distribués par Wawa, les enfants débutent comme un "jeu de chat" : il s'agit de toucher la tête de son partenaire avec la main, en prononçant la même formule que lorsqu'on écrase des poux entre ses ongles. Celui qui est ainsi touché poursuit alors un autre enfant.
13 Jeu d'enfant : danse à cloche-pied 43 s
Danser à cloche-pied est ici un jeu d'enfants.
Chez un excellent danseur, ce peut être une figure de style lors de la réalisation d'une performance.
Sinon, il ne s'agit pas d'un type de danse, mais du fait de danser avec un seul pied, en s'aidant d'un bâton, quand par suite d'un accident ou par nature on ne dispose que d'un pied.
C'est aussi la danse de la Pintade où le héros ne danse que d'un pied, car il s'est enfoncé une épine de liane dans l'autre: “- Cloche-pied, cloche-pied, aïe! Je sens que mon pauvre petit pied me fait mal!” (chant de la chantefable “L'épine au pied” )
14 Vie quotidienne : défécation de Noël 2 mn 44
Les jeux des enfants ont été interrompus par le retour de Mambi, avec les produits de sa récolte du jour.
Wawa s'empare de quelques morceaux de manioc roui qu'elle va faire griller sur le feu pour un en-cas.
Noël qui veut déféquer est porté à proximité de l'aire d'ordures.
Mambi et Koti s'affairent à la préparation du repas tout en se plaignant de leur brue, l'épouse de Mombaka.
15 Chanvre, chien 34 s
Tandis que les enfants jouent et que les femmes travaillent, les hommes discutent tout en faisant tourner la pipe à chanvre.
Ginza, en fait, reproche à un résident du campement d'avoir égoïstement consommé du miel en forêt sans en avoir rapporté aux parents.
16 Jeu d'enfants : le non-circoncis 54 s
Noël en tête tenu par Wawa, les enfants enchaînent les jeux, encouragés par les adultes. Emboités les uns dans les autres, se déplaçant en groupe les fesses frottant le sol, ils chantent : " - Que celui qui n'est pas circoncis, ne nous rejoigne pas !"
Jeu d'enfants : l'odeur du porc-épic 35 s
Les enfants passent dans le tunnel constitué par les jambes écartées de leurs compagnons debouts, en chantant : "- L'odeur du porc-épic !... "
Comme souvent, les jeux des enfants relèvent du "folklore obscène", lieu d'apprentissage des réalités physiologiques, notamment sexuelles.
18 Jeu d'enfant : la noix de palme 22 s
Jeu d'enfant chanté, toujours participant de l'apprentissage du contrôle du corps et à la limite du "folklore obscène".
Les enfants, assis par terre, serrés les uns contre les autres, les jambes allongées, doivent faire passer entre leurs cuisses sans la faire voire et sans les mains une noix de palme. Un guetteur doit la repérer et s'en saisir entre les cuisses d'un des joueurs et prendre sa place s'il a gagné.
Pour faciliter le jeu, un pagne recouvre les jambes
19 Naissance de Masiki : 1ère toilette 2 mn 35
Première toilette du nouveau-né, encore relié au placenta, agrémentée de commentaires des assistantes.
Par une nuit froide, Bonéné accouche. Elle est restée dans sa vaste maison d'une pièce, plutôt que de s'installer à la périphérie du campement en appui contre un arbre.
Son mari et ses enfants sont dans un coin de la pièce tournés de l'autre côté. Les femmes expérimentées du campement sont venues assister la parturiente et à présent prodiguent les premiers soins.
Lorsque la séquence démarre, l'enfant gît sur le sol, encore relié au placenta.
- Toilette du nouveau-né
- Section du cordon et dation du nom
- Habillage du nourisson
- Préparation du feu et du lit
- Enterrement du placenta et annexes in situ
- Sortie des accompagnantes
http://www.cnrs.fr/diffusion/ancien_site/espchercheur/sitepygmees/mortnaissancemasiki/accouchement.htm
20 Naissance de Masiki : section du cordon 1 mn 35
Le cordon est tenu entre deux lames végétales et sectionné par une troisième : il n'est pas ligaturé. Puis, on applique la lame végétale trempée de sang du cordon sur les articulations des membres du nouveau-né, tout en énonçant son nom, Masiki : c'est celui de la soeur décédée et de l'aïeulle vivante du campement.
21 Naissance de Masiki : dressage du lit et du feu 3 mn 04
Dès qu'une femme assistante a fini une tâche, la suivante prend le relais. Elle allume un feu et dresse un lit de plaques d'écorces à proximité.
22 Naissance d'Akungu : enterrement du placenta 4 mn 10
Le placenta est enteré là où la femme a accouché : ici, c'est donc dans la maison, plutôt qu'à la périphérie ou en dehors du campement comme c'est le cas le plus fréquent. Une fois l’enfant lavé, le cordon coupé, une assistante creuse à la machette une fosse circulaire d’une cinquantaine de cm de diamètre et d’une trentaine de cm de profondeur. Le placenta est tiré dans cette fosse par le cordon, tenu au travers de plusieurs épaisseurs de feuilles de bananier pour éviter tout contact avec le sang et les fluides corporels. Puis il est recouvert par les feuillages et le sol souillés, celui-ci très soigneusement gratté. Ensuite la fosse est rebouchée par la terre extraite lors de son creusement, tassée aux pieds.
Si cet enterrement est mal fait, à savoir le cordon sous le placenta, la fécondité future de la femme est compromise.
23 Naissance de Masiki : sortie des accompagnantes 1 mn
Les accompagnantes sortent une par une, laissant Bonéné, l'accouchée, avec son mari et ses enfants.
24 Générique de fin
1mn 55 Mot(s) clés libre(s) : enterrement du placenta, pleur, pipe, thérapie familiale, Réconciliation, noix de palme, dorsalgie, salive, mbili, interdit, défécation, machette, huile de palme, chanvre, chasse, puce-chique, Lobaye, chien, crachat, naissance, lit, dation, nom, section du cordon, porc-épic, pou, papaye, excrément, crotte, dispute, sel, rongeur, liber, écirce, thérapie, mort, partage, aka, extraction, grossesse, deuil, vidéo, scarification, accouchement, santé publique, maladie, hygiène, sida, cuisine, alimentation, sexualité, apprentissage, feu, musique, enfance, mime, chant, Akungu, pygmée, soin quotidien, remède, parole, guérissage, guérisseur, toilette, République Centrafricaine, film ethnographique, récit, rituel, placenta, sang, jeu, avortement, danse
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Chronique aka 1988 : Fer de hache pygmée et petit Villageois : histoire d’une blessure
/ 14-09-1988
/ Canal-u.fr
EPELBOIN Alain
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Un villageois cherche à s'approprier la force de travail et la plantation des habitants d'un campement pygmée installé en bordure d'une grande piste forestière en République Centrafricaine.
Tout en soignant une grave blessure que son fils s'est faite au pied en manipulant une hache pygmée, il explique qu'il a appris auprès de son père, guérisseur, le traitement de cette sorte de plaie "grave". Puis il raconte les circonstances et les raisons d'une part de son installation dans un campement pygmée et d'autre part du port d'une amulette sénégalaise suspendue à sa poitrine. Enfin, il présente un faisceau d'arguments légitimant ses droits sur les pygmées de ce campement : ces pygmées appartiennent à sa famille paternelle depuis des temps immémoriaux. Ce sont en même temps une "sous-race" et des "parents". Mot(s) clés libre(s) : afrique, villageois, latex, noix de palme, thérapie familiale, relations inter-ethniques, fer de hache, fer, blessure, os, République Centrafricaine, interdit, Lobaye, plante, vidéo, racisme, ethnomédecine, film ethnographique, amulette, médecine traditionnelle, guérissage, pygmée, aka, mystique
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Chronique aka 1988, Akungu : Femmes pays
/ 16-02-1988
/ Canal-u.fr
EPELBOIN Alain
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Dans le campement pygmée d'Akungu, en République centrafricaine, les femmes et les enfants vaquent à leurs occupations quotidiennes. Au cours de quelques journées se déroulent des scènes telles que la préparation et la cuisson de chenilles, la cure de la migraine d'une jeune femme, la toilette des enfants dans la rivière, la préparation des repas, les jeux des enfants, l'extraction de puces-chiques du pied d'une enfant, la scarification, le tatouage et la décoration des visages et des bras, puis la scarification thérapeutique d'une jeune femme.Chapitres :01 préparation de chenilles ndosi1. Les chenilles sont décoconnées.2. Une fois décoconnées, elles sont prêtes à griller de façon à éliminer leurs poils et à assurer leur éventuelle consommation.3. Les cocons vides seront ensuite repoussés hors du campement dans un tas de déchets secs.4. Du bois est mis à brûler afin de préparer la braise nécessaire à la grillade des chenilles.5. Mambi secoue les chenilles mélangées avec des braises, dans une vieille marmite en aluminium, percée.6. Les chenilles sont versées sur le sol, puis triées jusqu'à obtention d'un époilage satisfaisant.Extrait de l'encyclopédie des Pygmées Aka Edd. SELAF© chenille Anaphe (spp.) .kòngo // = .ndosì Thaumétopoéidé, Anaphe venata Butler, A. infracta Welsh.Morphologie - Jaune foncé, couvertes de longs poils blancs; petites chrysalides brunes. — Éthologie -Petites chenilles processionnaires; cocons réunis en cocon communautaire..ndòsì, Chenille Anaphe, Thaumétopoéidé, Anaphe sp.Acq. - prod. (collecte) = septembre; elles font l'objet d'une récolte systématique pendant la période des chenilles.Expl. - conservation = séchées après vannage sur les braises pour enlever les poils toxiques;- échange/commercialisation = fort prisées des villageois, ceux-ci en sont très demandeurs, soit dans le cadre de l'échange, soit en les achetant aux Aka quand ils ne sont pas alliés.Alim. - base (chair = elles sont cuites à l'eau bouillante, puis assaisonnées ou non de sel et d'huile de palme; on consomme aussi les chrysalides dont la saison dure plus longtemps (novembre); la consommation de .ndòsì mal cuites provoque des vomissements répétés et violents.?Méd. - gastro. (indigestion de § .ndòsì) = l'écorce de § .gbàdo, en décoction à boire, calme les vomissements et les fait stopper.Créd. - biologie = pendant la saison des chenilles, la saison des .ndòsì, constitue une des trois étapes marquées; les chrysalides se réunissent dans un grand cocon communautaire, è.koto-ya-ndòsì / la peau | la÷cette de | l'÷ Anaphe /;Les chenilles (§ .kòngó) doivent souvent être flambées pour les débarrasser de leurs piquants ou de leurs poils, mais on emploie le verbe § mbà- “griller” pour cette action (§ .sOngí) ou encore § pEp- lorsque l'on utilise pour ce faire un panier spécial § .sàkádà). De nos jours, une bassine d'aluminium percée de trous et dotée d'une anse végétale remplace souvent le panier traditionnel, moins résistant aux braises qui assurent l'époilage.Lorsque les chenilles se rassemblent et forment des groupes compacts et lorsqu'elles se mettent en cocon communautaire, il n'est plus possible de distinguer l'individu; on a affaire à une masse indifférenciée, ce que représente la dérivation par changement de genre.(N : 9/8 = bò.ndòsì / mà.ndòsì)202 consommation de fruits vondoKoti a rapporté d'une tournée de cueilette des fruits vondò d'une liane Apocynacée : ils sont immédiatement consommés en les suçant.03 cure de migraine par application de mbili sur des scarificationsAprès avoir réalisé des scarifications en couronne sur le front et les tempes de Wawa qui souffre de migraine, Mambi applique une pâte médicinale § .mbili.L'application du .mbili provoque une vive douleur que Wawa exprime par des cris et des gémissements.L'opération terminée, Mambi range la lame de rasoir ainsi que les restes de remède dans une petite boîte cylindrique propriété de Wawa.Celle-ci se couche, sa dernière-née blottie contre son sein et finit par s'endormir, soulagée.Les enfants se partagent un gobelet d'eauExtrait de l'Encyclopédie des Pygmées AKa Ed. SELAF-Peetersbambo (Nd : 5/6 = è.bambo/bè.bambo < *bamb) mal de tête (sp.), céphalée (sp.), migraine (sp.)La douleur est perçue comme un éclatement (d'où le nom de la maladie), selon certains ressenti d'un seul côté de la tête, souvent accompagné de vertiges.Dans un premier temps, le malade se soigne lui-même en fabricant ou se faisant fabriquer par un proche une corde-remède tressée (§ .kOdi), qu'il se noue autour de la tête. Si ce traitement n'est pas suivi d'effet ou si le mal est trop violent ou encore si le malade ne connaît pas la plante pour faire la corde-remède, il s'adresse au guérisseur (§ .ngàngà). Celui-ci (ou à défaut une parente du campement) lui fait des scarifications qu'il enduit de poudre-remède (§ .mbili) et de sel de cendres.mò.kOdi-wa-è.bambo «liane-remède de la migraine» è.bambo à`O mò.sokò-wâvE wa mù-bàta o-tùtù, wà mù-bambua o-tùtù, bô nde ba kEsà«La céphalée donc, c'est ta tête qui se fend en dedans; elle éclate en dedans c'est pourquoi on incise»
bo mò.sokò-wâvE wa kOnE, OvE ga kà-mò.kOdî, nde ò kàta mò.sokò, nde ò kàta bamoedi «Quand la tête te fait mal, tu te contentes de couper une corde-remède, de te l'attacher à la tête sur laquelle tu l'enfonces» (AE .bambo 18-19)cƒ .kOnO04 Jeu d'enfant: préparation d'un repasA la limite entre le jeu et la réalité, Mengi prépare un petit repas pour ses petites soeurs, tandis que sa mère migraineuse se repose.
05 Enchanvrement des enfantsMongay, aidé par une fillette (=une tante) finit tranquillement les restes de chanvre indien de la pipe de son père.Encyclopédie des Pygmées Aka Ed SELAF-Peeters.mbangì (N : 1/2 = mbangì/bà.mbangì) Chanvre indien
Cannabis sativa L., CannabinacéePlante herbacée cultivée.
Tech. : gén. (stupéfiant) = les feuilles et les sommités fleuries sont séchées, écrasées entre les doigts et et fumées dans une pipe sp. ou dans une feuille végétale ( Zingibéracées § .sEtì, Renealmia sp. ou Aframomum sp.) ou dans n'importe quel papier disponbleLa pipe la plus couramment utilisée est constituée par l'entrenœud de bambou sòngò : le fourneau est constitué par le creux de l'amorce éclatée d'une cartouche de calibre 12.
Soc. : écon.-soc. (échange) = le Chanvre indien, importé illégalement des pays limitrophes, entre dans le cadre des échanges avec les villageois, au même titre que le tabac (§ .mbangà) et l'alcool (§ .ngbakò). De très rares Villageois de la région et à présent quelques Aka en cultivent occasionnellement quelques pieds dans un coin reculé de plantation forestière (la culture en étant interdite).
Même si tous ne sont pas amateurs, de nombreux Pygmées sont consommateurs de chanvre indien. Celui-ci, au même titre que les alcools et les tabacs, n'est pas considéré par les Aka comme une drogue toxique, mais comme des nutriments nécessaires à l'entretien de la santé et de l'humeur, à la réalisation de performances, par exemple de chant ou de danse. Ils permettent l'exécution des travaux pénibles exigés par l'entretien des plantations villageoises de café.
Outre le miel et des remèdes “magiques”, le chanvre et le tabac sont employés par nombre de grands chasseurs pour mener à bien les longues poursuites de gros gibiers.
Hommes, femmes, adolescents, enfants, tous les amateurs ont leur part, qui n'est pas égale. Le partage au sein de la société aka obéit aux règles coutumières de répartition des produits valorisés et donne à voir, au-delà des discours théoriques de préséance, le fonctionnement quotidien de la société. La consommation de chanvre n'est pas le fait d'amateurs marginaux; elle est totalement socialisée.
Tous les membres du campement, hommes, femmes et enfants, participent aux causeries et réjouissances, dont fumer fait partie. Le tabac n'est absolument pas considéré comme toxique et de jeunes enfants finissent “en cachette” les restes de pipe ou de cigarettes.
Les dons et contre-dons de tabac affichent la reconnaissance du statut social de l'individu. Ils sont donc de fait très ritualisés, notamment dans les rapports avec les beaux-parents.
En cas de manque, des fumeurs toxico-dépendants sont amenés à échanger des quantités importantes de produits forestiers contre de dérisoires quantités de cigarettes auprès de leurs fournisseurs villageois.
Néanmoins, à l'exception des grandes occasions, les parts journalières per capita sont la plupart du temps réduites à quelques bouffées d'un produit à faible teneur en substances actives. Les femmes amatrices sont moins nombreuses que les hommes et plus discrètes.
Il n'y a aucune notion, dans cette société, de la toxicité biologique de la fumée inhalée : cigarettes et pipes passent sans cesse de bouche en bouche selon des ordres de préséance précis ; des papiers épais, imprimés servent à confectionner des cigarettes ; les pipes à réservoir d'air impliquent des aspirations très aggressives pour les poumons.
Conscients du caractère illégal de la possession et de la consommation du chanvre au regard des lois officielles de l'Etat centrafricain, les Pygmées savent, en présence d'étrangers, parfaitement dissimuler leur consommation. Aussi est-il très difficile d'apprécier l'ancienneté de l'usage du chanvre indien chez les Pygmées aka?Lorsqu'une prise de chanvre provoque un malaise caractérisé par le fait que les “yeux tournent” (misO mâ zònga, vertiges), on frotte le corps du fumeur avec les feuilles de .tOtO grandes herbes (spp.) (Commélinacées, 1) Palisota hirsuta (Thunb.) K. Schum. 2) P. schweinfurthii). Après quelques instants, il reprend ses esprits {Mga 94}.
Si la conduite d'un individu, sous l'emprise de l'alcool ou du chanvre, va à l'encontre des normes de sociabilité, il est considéré comme malade et pris en charge par la collectivité. Cette “maladie” est rapportée au .kìlà (1. interdit alimentaire, 2. maladie due à la rupture d'un interdit alimentaire). La cure, outre différentes thérapies appropriées, à base d'onctions de matières végétales et de scarifications avec application de substances médicinales, aboutit à un interdit personnalisé de consommation de chanvre ou d'alcool.
Les devins-guérisseurs aka, avec lesquels nous avons travaillé {Mga et Bg}, ne consomment jamais de chanvre, sans qu'il soit possible de savoir s'il s'agit d'un goût personnel ou d'un interdit spécifique. Ces mêmes individus, au cours de leur apprentissage-initiation et de leur exercice professionnel, ont été amenés à consommer à des fins divinatoires un lixiviat hallucinogène et psychodysleptique d'écorces de racines de § .bònd&o (Strychnos icaja et surtout Tabernanthe iboga). L'usage en est strictement réservé aux contacts avec le surnaturel (divination et ordalie) et en conséquence au spécialiste, le devin-guérisseur et ses assistants.
Tabac, alcool et chanvre sont tous produits de l'échange avec les Villageois. Le vin de palme (§ .lEkù), sans en être produit puisque les Aka se le procurent directement, résulte cependant des contacts avec ceux-ci (qui en sont grands consommateurs) du fait que les Palmiers (Elaeis guineensis Jacq.) producteurs se trouvent dans les zones de forêt colonisées par eux, récemment ou anciennement (§ .ndama).
.mbangà (N : 1/2 = mbangà / bà.mbangà) tabac commercialisé
Nicotiana tabacum L., Solanacée
Il s'agit du tabac sous forme de cigarettes, beaucoup plus rarement de tabac en paquet.
Tech. : gén. (stupéfiant) = toujours obtenues auprès des non Pygmées dans le cadre des relations d'échange ou par achat, les cigarettes sont gardées soigneusement dans les sacoches § .sàwàlà. Elles sont partagées en société, aussi est-on souvent amené à n'en fumer que des portions, soit dans un fume-cigarette de bois ou d'os long de singe (§ .pOlOtì) ou plus simplement dans un morceau de feuille pliée de § .sEtì.
Leur valeur augmente considérablement au fur et à mesure de l'éloignement des centres d'approvisionnement. En pleine forêt; quelques cigarettes peuvent être troquées par un villageois contre un gibier entier.
Quoique globalement moins consomatrices, certaines femmes sont des fumeuses invétérées.
Les cigarettes de tabac brun fort (de la marque “Tumbaco”), importées en fraude du Zaïre, sont très valorisées, considérées comme plus fortes que le chanvre.
na dì-kOta mbangà «Je fume du tabac»A présent, les cigarettes "blondes" à bout filtre sont les seules consommées.06 Partage d'eau entre enfantsSous le contrôle de leur mère Wawa, les enfants se partagent un gobelet d'eau, les plus petits avant les plus grands.
Extrait de l'Encyclopédie des Pygmées Aka Ed. SELAF-Peetersmáì (N : 8 = máì) 1. liquide, eau (potable)
L'eau est la boisson usuelle des Aka, comme un support de cuisson essentiel (et quotidien) (§ sìp-). Ordinairement l'eau provient de la source des ruisseaux (§ .sókò5) ou de leur cours s'ils sont propres et limpides — d'ailleurs on cherche toujours à établir le campement à proximité d'un “marigot”. Le lieu de puisage de l'eau potable est toujours situé en amont des lieux de toilette et de lessive.
Cependant, dans certaines régions inondables ou marécageuses, en saison sèche, il est nécessaire d'atteindre en profondeur la nappe phréatique grâce à des trous (§ .dìbà). On recueille aussi les eaux de pluie (§ .mbóá) dans un tronc tombé de parasolier creusé en auge (§ .kòmbò). Ici encore, le trou servant à l'eau de boisson est distinct de la mare limitrophe servant à la toilette.
Pourtant le moyen le plus usuel de remplacer une source consiste à recueillir la sève de végétaux particuliers, celle des arbres § .ngàtá et § .kòmbò (Moracées) que l'on fait couler par leurs racines-échasses (§ .kúmà) ou par des entailles en arêtes de poisson à la base du tronc, mais c'est surtout la sève de lianes-à-eau (§ .nzàmbí) qui s'écoule de tronçons que l'on coupe. C'est ce dernier procédé que l'on emploie pour se désaltérer pendant les sorties en forêt.
â kùká mò.nzàmbí bè.kúdú, bè.kúdú, bè.kúdú; bâ bOsá máì-mEnÉ, bâ núà
«Ils coupent la liane-outre en morceaux; ils prennent cette eau et s'en désaltèrent» (14.638, 640)
nà mbE-núákâ mÉ kà-ngá-máì-má
«Je ne veux boire que cette eau-là» (14.70)
ná gE máì-má-ngbOkO, ná g`E mò.zàmbí
«Il faut que je prenne de l'eau de liane en coupant la liane-outre» (14.635)
á bùàsá kÉnzÉ mú-tà-máì
«Il prend du sable dans l'eau» {Bay}(QIL 57)
kàbá y$E máì «Donne-lui de l'eau» {Bay}(QIL 61)
máì-m^EnÉ má-múyá «Cette eau est chaude» {Bay}(QIL 113)
búsÉ WúÉ mbéngó máì «Nous boirons de l'eau» {Bay}(QIL 159)
máì má zE mú-mò.kÉdì
«Il y a de l'eau dans le marigot» {Bay}(QIL 204)
§ .lEkù
2. eau, étendue d'eau, eau courante
> marigot, marécage, rivière
Les nombreux petits cours d'eau peu profonds qui sillonnent la forêt facilitent la progression sous le couvert et sont utilisés comme chemins privilégiés, alors que les rivières constituent plutôt des obstacles. Lorsque l'eau est trop profonde pour être traversée à gué, un arbre est abattu en travers de la rivière pour assurer le passage d'une rive à l'autre. Parfois, une liane est tendue à hauteur de main pour faciliter l'équilibre, mais le plus souvent, on franchit ce pont improvisé sans garde-fou.
Les marécages, nombreux dans l'interfluve Sangha-Oubangui, sont des réserves poissonneuses intéressantes, mais aussi des lieux de collecte importants (Raphia, champignons…) qui justifient des expéditions collectives. Cependant la progression dans les marais est souvent dangereuse et femmes et enfants s'y hasardent moins volontiers que les hommes. Si l'on y exerce certaines activités, on ne franchit généralement pas les zones marécageuses, on les contourne.
Traditionnellement les Aka n'utilisent aucun type d'embarcation permettant d'utiliser les voies navigables. Seuls ceux qui sont alliés aux riverains de l'Oubangui ont depuis quelques années commencé à construire de petites pirogues pour leur usage personnel : elles leur permettent surtout d'avoir accès aux îles du milieu du fleuve qui sont des réserves giboyeuses, plutôt que de pratiquer la pêche au fleuve, comme leurs commensaux villageois.
bá kànánÉ mè.nd&Emb`E ó-tùtù-yà-máì mà.sú mà.sátò
«Elles ont mis le manioc à tremper dans l'eau pendant trois jours»
bâ dòá-má m`Ok`Om`Ok`O ó-tùtù-yà-máì ng^O.nÉ ó-bè.kpànì ng$o-tô «Ils vont aller l'après-midi dans les marécages là-bas, sur les petites termitières» (12.88)
OvE tí-gúíÉ ó-tùtù-yà-ngá-máì, má gúíánÉ nà-kô nà-kô (12.243)
«Ce n'est pas toi qui entre dans ce marécage, il est bien trop profond»
ínábO dòánÉ vùù, kùká mòEí-máì
«Allons ensemble, vite, traverser au milieu du cours d'eau» (10.14)
à kàná è.sòngà mú-máì
«Il jette une nasse dans la rivière» {Bay}(QIL 62)
var. .kEdì {Bay} // ƒ .kélèdì
3. eau, saison des pluies > annéeDans le vécu quotidien, on n'est pas souvent amené à décompter le temps en années. Dans la plupart des cas, il est fait référence à un événement marquant pour situer une année dans le passé, lorsqu'on cherche à déterminer l'âge de quelqu'un par exemple. Cela se fait aussi par rapport aux naissances ou aux décès qui se sont produits dans les mêmes temps que celui que l'on veut situer.La division du temps en années se fait aussi bien par référence à la saison des pluies qu'à la saison sèche (§ sèvò), généralement en fonction de la saison dans laquelle on se trouve au moment où cette indication temporelle est énoncée.máì-má-mbúsà «l'année prochaine»bà.máì-bá-mbúsà «les années prochaines»? DÉnom. : phytonyme = donne son nom à un champignon § .máímàì.4. eau, liquide intérieur des êtresEtant donné son caractère vital, l'eau est pourvue d'une forte charge symbolique “liquide de vie”.mOì-OvÉ nà-máì-míké «Tu as le ventre plein d'eau» {Bay} (QIL 18)sèvemáì-má-mòlé «la sève de l'arbre»(sauf les latex, résines… qui portent des noms spécifiques)sperme (liquide du mâle) > désir máì-mámù tálâ mÉ mòè «Le désir me brûle le ventre»// l'8÷eau | 8ma / (A)-regarde÷A. / à moi / le3÷ventre // (Ch. 3.3)à dìvá máì-mámù «Elle a reçu mon eau (sperme)» = «Elle est enceinte de mes œuvres» (Ch 3.11)nà bòlá máì-mámù «J'ai éjaculé»// je / (A)-ai versé÷A. / l'8÷eau | 8ma // (Ch 3.28)máì-má-ból`O «de l'eau froide» M «du sperme stérile» (Ch 9.1)var. .mb`Olîliquide amniotique, eauxmáì-má-dì.bùmù «le liquide amniotique» / l'8÷eau | 8de | la7÷grossesse /lait? máì-má-dì.b^ElÉ «le lait» / l'8÷eau | 8de | le7÷sein /bilemáì-má-è.nòngè «la bile» / l'8÷eau | 8de | la5÷vésicule biliaire /© 5. liquide (non solide)?bò.tálè-nà-máì «coulée, fer fondu» / le9÷fer | avec † l'8÷eau /© 6. chant (sp.) de type § .ómbè(cf. Anthologie de la musique aka, CD II, pl. 3)syn .ndùdà(N : 2 = bà.máì)eaux (rivières, cours d'eau; saisons des pluies, années)Le terme maì (cl. 8) relève d'un genre unique, lorsqu'il est employé comme collectif indénombrable (liquide), dont la classe transcende l'opposition de nombre. Cependant, lorsqu'il représente des entités plus concrètes, devenant dénombrables, il subit une dérivation par changement de classe nominale, où l'emploi de la classe 2 (pluriel de l'individualisant dénombrable), lui confère ces qualités qui se réfèrent alors à des ensembles dont l'eau est le constituant, mais non l'identité.(N : 4 = máì)eau (spécifique) Bien que la classe 4 représente normalement le pluriel (ou le non singulier) d'une entité particularisée et dénombrable, l'usage qui en est fait avec maì (perceptible seulement par le phénomène d'accord : maì-mè.kElElE “la/les petite(s) quantité(s) d'eau”), met l'accent sur la spécificité de l'entité envisagée : une part, une occurrence unique, une relation individuelle… et non sur une pluralité de l'objet.07 toilette d'un petit garçon à la rivièrePassage d'un groupe de retour de déplacement et toilette du fils aîné de Bassin Joseph, âgé de 3-4 ans par sa mère Mboli.08 passage de la rivière au retour de la cueillette Passage de la rivière au retour d'une partie de cueillette.Noter les différents types de portage des enfants.09 jeu d'enfant : pêche par écopage à la rivièreLes enfants attrappent quelques minuscules poissons à la rivière qui seront grillés et consommés en en-cas.10 fabrication de cordeletteExtrait de l'Encyclopédie des Pygmées Aka Ed. SELAF-Peeterstum- (V) filer, corder (la filasse)On fabrique la ficelle en roulant les fibres sur la cuisse, généralement enduite de cendres, avec la paume de la main, également frottée de cendres, en deux tortis qui sont au fur et à mesure retordus ensemble. Pour rendre la ficelle plus solide, on utilise parfois le latex d'une liane à caoutchouc qui fixe le roulage des fibres. La principale plante fournissant la filasse est la liane Manniophyton fulvum Müll. Arg. (Euphorbiacée), § .kosa.La fabrication de la ficelle (§ .mbà) est une occupation des périodes oisives et sédentaires, mais surtout des vieillards (§ .kòt&o) dont la participation aux activités de collecte et de chasse est diminuée sinon interrompue et qui, de cette façon, apportent cependant une contribution non négligeable à l'économie du groupe. C'est aussi pour eux un moyen de continuer à bénéficier des activités de chasse auxquelles ils ne participent plus, puisque le propriétaire de l'engin qui a pris le gibier – ici le filet (§ .kìà) pour lequel ils fabriquent la corde – est aussi l'acquéreur de l'animal capturé (voir dans SB, Ethnoécologie, les règles de partage du gibier, Livre I-1).?nâ tum&a mò.mbà nà-bò.kìà «Je corde la ficelle pour le filet»syn § wOs-, was- // ƒ .mbà11 pilage de feuilles de manioczàbukà (N : 1/2 = zàbukà / bà.zàbukà) {Bg} 1. feuille de maniocsyn .sàbùkà // var .zàbu {Mga}Acq. - cueillette-échange = les Aka ne cultivent pas ou depuis peu le manioc; ils se procurent les jeunes uilles soit par l'échange, soit par la cueillette dans les champs en jachère où repoussent des pieds de manioc.Alim. - base (accompagnement > brèdes, légumes verts) = afin de les ramollir et d'en faire disparaître l'amertume éventuelle, les feuilles de manioc sont d'abord frottées à sec sur le fond brûlant de la marmite posée sur un feu vif; cette opération joue également un rôle utile par rapport aux produits toxiques, à savoir les dérivés cyanogéniques, de cette plante; une fois l'opération terminée, les feuilles sont abondamment aspergées d'eau, puis mises à cuire avec les différents ingrédients de la préparation (sel, huile de palme, champignons, viande ou chenilles).2. purée de feuilles de maniocPour ceux qui vivent à proximité de plantations de manioc villageoises, la purée de feuilles est un aliment courant qui, lorsqu'il est préparé trop souvent, est déprécié, parce qu'il indique un déficit de produits de cueillette et de chasse.CrÉd. - écol. = une consommation excessive de feuilles de manioc provoque la maladie de la rate, § .eb`a;- interdit (alimentaire) = ceux qui souffrent de la maladie de la rate doivent s'en abstenir.• zàbukà-muke «beaucoup de purée de feuilles de manioc»= jàBùkà “purée de feuilles de manioc”Tech. - production (apicollecte) = si on ne dispose pas de feu pour enfumer les abeilles, on peut utiliser des feuilles de manioc écrasées et souffler dessus à l'entrée de la ruche, pour asphyxier les abeilles.CRÉD. - interdit (alimentaire) = celui qui est atteint du mal de poitrine, § .mbànz&i, ou de maux de rate ne peut consommer les feuilles de manioc;- (comportemental) = si un enfant a l'interdit de l'Hylochère § .bEyà, sa mère ne doit pas cueillir des feuilles de manioc, de même s'il a une maladie de la fontanelle, bò.kOnO-boa-mò.sokò.• mbokà vâ ngo-sàbùkà «Ici au village, il n'y a que des feuilles de manioc (à manger)»• ba nga-sìpE nà-bà.sàbùkà «On pourra le faire cuire avec des feuilles de manioc»syn .zàbu // var .zàbukà {Bg} // § .bumà // = ng .sàbùkà (Ø-dì/Ø-ì) / = b jàbùkà / = ngb sa12 soufflage d'une saleté dans l'oeil d'un enfant13 extraction de puces-chique des pieds de MongayExtraction de puces-chique des pieds de Mongay par sa mère Mambi, aidée de sa co-épouse Koti.Extrait de l'Encyclopédie des Pygmées Aka Ed SELAF-Peeterspìàmò (N : 3/4 = mò.pìàmò / mè.pìàmò) {Bg} douleur, souffranceLa douleur et la souffrance sont omniprésentes dans ces sociétés où les blessures sont quotidiennes, où les insectes et ectoparasites “piquants” sont très nombreux et où les complexes pathogènes – particulièrement meurtriers – combinent pathologies autochtones et cosmopolites. Les rites de passage, les techniques thérapeutiques curatives et thérapeutiques “traditionnelles” comportent quasi-systématiquement une composante “douleur provoquée” importante. Le nourrisson, pour diverses maladies liées au concept d'interdit, § .kìlà, est balancé au-dessus de brandons attisés, recouverts de feuilles thérapeutiques et asphyxié par des vapeurs douloureuses. Le petit enfant, dès la marche, apprend rapidement la douleur transfixiante de l'extraction de la puce-chique insérée dans sa chair. On ne grandit pas dans cette société, sans être circoncis pour les garçons, sans avoir les incisives supérieures taillées, la cloison nasale, les lobes des oreilles, autrefois la lèvre supérieure percés. Le corps est aussi régulièrement souligné de nouveaux tatouages et cicatrices à visée esthétique.À l'occasion de maladies diverses, dès le plus jeune âge, on subit des applications de produits caustiques sur des scarifications superficielles pratiquées au rasoir en regard de la zone douloureuse ou de la zone d'expression cutanée de la pathologie interne (tempes, région précordiale, hypochondre gauche…) : ces incisions infimes, souvent sanglantes, sont vécues très douloureusement, en ce temps de fragilisation de la mère et de l'enfant, provoqué par la maladie. Chez les enfants, et a fortiori chez les adultes, la peau est le dossier médical sur lequel les experts savent lire l'histoire des maux et maladies qu'a subis la personne. Les soins des guérisseurs sont souvent douloureux : un peu comme s'ils voulaient étouffer les douleurs pathologiques en en provoquant de nouvelles; un processus de “contre-feu” qui agirait sur la souffrance et l'angoisse du patient et de son entourage.Ainsi, l'expression de la douleur est culturellement construite, pouvant amener un gaillard qui supporte stoïquement une plaie monstrueuse à fondre en larmes lors du franchissement transcutané d’une aiguille médicale, ou lors d'une scarification dermique débutant un rituel d'extraction symbolique du mal.14 jeu d'enfants avec un souriceauWawa joue précautionneusement avec un souriceau sous le regard des autres enfants15 jeu d'enfants de tir à la cordeJeu de tir à la corde entre petits enfants16 scarifications tatouages esthétiquesSéance de scarifications tatouage esthétiques entre femmes, sur un fond de harpe joué par Mbonga.
Extrait de l'Encyclopédie des Pygmées Aka Ed SELAF-Peeters.mbadi (N : 5b/8 = mbadi / mà.mbadi)
1.incision, scarification (thérapeutique)
Un des procédés thérapeutiques (préventif ou curatif) les plus usuels (§ .boi) consiste à pratiquer sur la peau de la partie douloureuse de multiples petites incisions fines et rapprochées, puis de les frotter d'une pommade remède § .mbili, à base de poudres mélangées à un excipient (beurre de palme ou pâte de bois rouge).
syn. § .mbili // ƒ .boi
2. incision de tatouage, tatouage en relief
Au fur et à mesure des années et des événements vécus, le corps se couvre de cicatrices de scarifications-tatouages thérapeutiques mais aussi esthétiques.
Le pourtour du visage, les bras, le haut de l'épaule, l'abdomen sont ainsi soulignés, sculptés, redéfinis. Ces scarifications-tatouages esthétiques sont réalisées entre amis, parents, souvent lors du rassemblement des campements et à l'occasion d'épisodes amoureux. S'estompant rapidement, elles sont régulièrement refaites, complétées
Les scarifications-tatouages, qu'elles soient à des fins thérapeutiques ou esthétiques, permettent d'inscrire sur la surface du corps de l'individu l'empreinte du corps social. Elles constituent aussi une mémoire, tantôt individuelle tantôt collective, des événements vécus, heureux et malheureux. Certaines marques, au-delà du statut qu'elles signifient, sont propres à des groupes, voire des lignages et perpétuent le souvenir de rencontres ou d'alliances entre groupes.
La taille des dents, le percement de la cloison nasale, de la lèvre supérieure, des lobes d'oreille, la circoncision, les mutilations “involontaires” des pieds par les puces-chiques, les scarifications-tatouages renvoient à la construction d'une image du corps, spécifique de la civilisation aka avec, au-delà, des variantes propres à chaque individu, des modes et des traditions.
syn. .tElE {Bg-Ka}, § .ndOngO
3. incision, barbelure (d'une flèche)
mà.mbadi-ma-mò.mbànzà “les barbelures (incisions à bord soulevé) de la flèche (= support à poison)”
4. ligature (d'une vannerie)
mbadi-yà-mò.lEkE “la ligature du piège”, faite en § .langà.
§§ .kOdi, bènda, .pata, .ngànzò
.mbili (N : 3/4 = mò.mbili / mè.mbili) I
poudre-remède, pommade-remède (spécifique)
Il s'agit de la poudre ou de la pommade-remède spécifiquement utilisée pour une maladie particulière. Lorsqu'il s'agit d'un remède se présentant sous cette forme, mais en général, le genre employé est 5b/8.
(N : 5b/8 = mbili / mà.mbili) I
© 1. poudre-remède, pommade-remède
Le remède est constitué de poudres diverses, celles-ci étant mélangées à du beurre de palme, issu des amandes, pour faire la pommade. Les poudres sont faites le plus souvent de plantes calcinées ou séchées au feu et pilées, quelquefois de fragments d'os ou de peaux d'animaux, carbonisés, puis réduits en poudre. Ces mixtures complexes sont utilisées par les devins-guérisseurs et leur composition est généralement inconnue du tout-venant.
On appelle également .mbili le mélange de suie de marmite et d'exsudat de pile, employé de nos jours pour des scarifications esthétiques.
3. scarifications enduites de poudre-remède
Actuellement, on pratique deux sortes de scarifications, esthétiques et thérapeutiques. Les scarifications thérapeutiques sont faites en regard de la projection cutanée de la douleur interne. Leur place peut être précisément indiquée par le devin-guérisseur qui prépare le remède à scarifier. Pour ces scarifications, c'est le .mbili végétal ou animal qui est employé. Lorsqu'il s'agit de scarifications esthétiques le .mbili suie-exsudat de pile est d'abord utilisé pour dessiner des motifs sur le corps. Ils sont ensuite scarifiés, puis encore recouverts de ce mélange caustique (cf. Video AE, Femme pays). Des feuilles de §§ .ndèmbe (Rothmannia whitfieldii, Rubiacée), .tòmatò (Solanum lycopersicum et S. spp., Solanacées) servent de liant à cette préparation ou d'émollient si elle est trop sèche. Ces plantes (dont la tomate, introduite, et d'autres Solanées cultivées d'origine villageoise) donnent une teinture noire utilisée aussi pour les tatouages à l'aiguille ou au rasoir et les peintures corporelles provisoires.
17 baiser d'une mère à un petit enfantMosala embrasse sa petite dernière tout en chantant.18 scarification préventive Jean-Marie explique les grandes régions du corps et les maladies correspondantes, puis scarifie son épouse avec un remède donné par ses beaux-parents qui lui ont pardonné le rapt de celle-ci . Mot(s) clés libre(s) : thérapie, ndosi, manioc, pilage, mbili, portage, rivière, mutilation corporelle, chanvre, cueillette, puce-chique, suie, fruit, vondo, thérapie familiale, baiser, remède tatouage, scarification esthetique, pleur, oeil, cordelette, fabrication, écopage, eau, pipe, mbil, partage, aka, migraine, vidéo, scarification, enfant, douleur, poisson, cuisine, alimentation, pêche, Vie quotidienne, musique, maternage, ethnomédecine, image du corps, Akungu, pygmée, remède, ethnomusicologie, guérissage, petite enfance, toilette, République Centrafricaine, chenille, film ethnographique, jeu, afrique
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