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Une conférence du cycle : "Quels humanismes pour quelle humanité aujourd'hui ?"Du Rwanda à Homère et Virgile, récit d’une expérience personnelle ou comment l’Europe plongea ses racines en Afrique.Par Ginette VagenheimLangues et littératures anciennes, Université de Rouen, IUFSi mon parcours personnel n’a rien d’exceptionnel, puisque j’ai été recrutée par concours sur un poste de maître de conférences de latin à l’université de Rouen, après avoir fait des études de langues anciennes dans le secondaire puis à l’université, il est cependant le résultat d’une « rencontre-choc » entre la culture occidentale incarnée respectivement par mon grand-père paternel, Frédéric Vagenheim (un alsacien arrivé au Rwanda vers 1900, à la faveur des relations commerciales mises en place par l’Allemagne, la puissance coloniale de l’époque, et puis resté sur place après avoir vigoureusement revendiqué sa nationalité française, comme employé du gouvernement belge,) et par mon grand-père maternel, Léon Robert (arrivé au Burundi au moment où les deux pays étaient passés sous la tutelle de la Belgique au lendemain de la défaite de l’Allemagne face aux alliés à Tabora) et la culture des deux royaumes inter-lacustres du Rwanda et du Burundi incarnée respectivement par ma grand-mère paternelle du clan de la famille royale rwandaise des Niginya et ma grand-mère maternelle du clan des ganwa Batare, de la dynastie royale du Burundi. Si mon grand-père paternel, en reconnaissant son fils, lui a offert, ainsi qu’ à ses petits-enfants le statut, si précieux aujourd’hui, de citoyen de plein droit d’un pays européen, il n’a pu lui épargner les souffrances d’appartenir à une race inconnue jusque-là, celle des « mulâtres (issus de l’union d’un Blanc et d’une Noire) » dont l’apparition soudaine et massive posera des problèmes d’ordre juridique et surtout moral à la puissance tutélaire et suscitera des solutions qui furent toujours dramatiques pour les intéressés. Si par ailleurs la tentative du chef de famille burundaise, mon arrière-grand-oncle, Pierre Baranyanka (qui fut « confié » aux colonisateurs allemands pour être « éduqués » dans leurs écoles comme le stipulait le traité de Kiganda du 6 juin 1903 qui consacrait l’acte de « colonisation » du Burundi), de créer les conditions d’un « modus vivendi » le plus harmonieux possible avec la culture belge se solde par un échec de nature politique (la résistance de la Tutelle à voir ses protectorats s’émanciper au lendemain de la conférence de Bandung), tragiquement matérialisé par la condamnation à mort, au terme d’un procès qui conserve aujourd’hui ses zones d’ombre, de deux de ses fils (Jean Ntidendereza et Jospeh Biroli) accusés du meurtre de Louis Rwagasore, dont l’un (Joseph) fut le premier universitaire du Rwanda-Urundi, c’est toutefois son exemple qui va inspirer l’engagement politique de son petit-fils, Jean-Marie Ngendahayo, qui sera ministre des affaires étrangères du Burundi, et l’engagement intellectuel de ses descendants, auquel j’appartiens, et qui consiste en une totale appropriation de la culture occidentale à travers une profonde identité africaine.
Mot(s) clés libre(s) : afrique, humanisme, humanités