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La notion de « métissage viti-vinicole », essai d’approche théorique et méthodologique. Le cas de la Chine / Guillaume Giroir. Conférence plénière in symposiurm "Vins, vignes et vignerons : Passages, messages et métissages" organisé conjointement par le Centre d’Étude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir (CERTOP) et le laboratoire Dynamiques Rurales de l'Université Toulouse-Jean Jaurès, 3-6 juin 2015.
Si on ne se contente pas de réduire et banaliser le terme de
métissage à celui de simple mélange, d’hybridité et de mixité, la
suggestion d’une application du terme de métissage au domaine
viti-vinicole ne va nullement de soi et s’avère même tout à la fois
audacieuse, stimulante, déroutante, féconde et riche d’enjeux multiples.
De fait, dans le champ des sciences humaines et sociales, la question
du métissage est tout à fait majeure et d’importance croissante ; elle touche aussi bien par exemple à la linguistique, à
la littérature (cf. Édouard Glissant, auteur des termes de «
créolisation », d’« identité-relation » par opposition à l’«
identité-racine ») ou la philosophie (cf. Gilles Deleuze, penseur de la
différence comme première, créateur de l’« identité-rhizome »).
Dans ces conditions, si l’on veut se confronter réellement à la
question posée par le présent symposium, il semble impossible de faire
l’impasse sur une approche préalable de type théorique et d’éluder
certains questionnements majeurs. Il semble même nécessaire de devoir
faire un détour par les apports d’autres disciplines a priori éloignées
du monde de la vigne et du vin. Les questions centrales suivantes se posent : quel
peut être le sens de la notion de « métissage viti-vinicole » ? Quelles
approches et méthodes mettre en oeuvre pour essayer de cerner cet objet
scientifique nouveau ? Notre contribution sera celle d’un géographe
résolument ouvert à la pluridisciplinarité.
Une approche phénoménologique devrait identifier, à plusieurs
échelles, les multiples formes de métissages inhérentes au fait
viti-vinicole, comme autant de combinatoires concernant les terroirs,
les cépages, les acteurs, les modèles économiques, les pratiques oenologiques…Une autre approche devrait s’interroger sur le statut du
métissage dans le monde de la vigne et du vin : convient-il d’adopter
une vision uniciste selon laquelle le métissage est somme toute
secondaire, contingent, voire anecdotique en regard de ce qui compte vraiment, l’universalité et l’identité du vin en tant que
produit, ou au contraire de promouvoir une vision relativiste qui ferait
de la viticolité un phénomène complexe pour lequel le métissage serait
originel, voire consubstantiel ? Selon une approche fonctionnaliste,
quelle est la part de l’identitaire et du métissage dans le fait
viti-vinicole ? Qu’en est-il également de la dynamique en matière de métissage viti-vinicole ?
S’oriente-t-on vers toujours plus de métissage du fait de la
mondialisation, ou au contraire vers une uniformisation du vin ? Enfin,
le métissage viti-vinicole n’est pas la mise en contact neutre de deux éléments distincts, il est riche d’asymétries, de rapports de
pouvoir, donc d’enjeux. Se pose ainsi également la question sous-jacente
et majeure des géopolitiques du métissage.
Devenue en quelques années le 7ème producteur mondial de vin, la Chine,
à la fois civilisation non judéo-chrétienne et terre de conquête du
modèle viti-vinicole européen, représente à l’évidence un champ
d’application privilégié de cette notion innovante. L’exploration de la notion de métissage viti-vinicole se déploiera en
trois parties : la première proposera certains éléments d’un cadrage
théorique et méthodologique préalable d’une possible notion de «
métissage viti-vinicole ». Les deuxième et troisième parties déclineront
ces réflexions aux échelles macro, puis micro-territoriales en Chine en
s’appuyant sur diverses recherches de terrain.
Mot(s) clés libre(s) : viticulture, cépages hybrides, vins (Chine)