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Hypérion victimaire ou l'art du récit chamoisien / Anaïs Stampfli. In "Patrick Chamoiseau et la mer des récits", colloque international organisé par le laboratoire Lettres, Langages et Arts (LLA CREATIS) de l'Université Toulouse Jean-Jaurès-campus Mirail, 8-10 octobre 2014. Thématique 6 : Esthétiques narratives et récits des Amériques.Après L’Empreinte
à Crusoé
(2012), réécriture du mythe de Robinson Crusoé, le dernier roman de Patrick
Chamoiseau marque un retour vers la sphère antillaise. "Hypérion victimaire, martiniquais épouvantable" peut
se lire comme le parcours croisé du tueur Hypérion et d’Évariste Pilon,
commissaire de police déjà rencontré dans Solibo
Magnifique
(1988). Ces trajectoires s’ancrent en Martinique. Cependant, la Martinique d’Hypérion
victimaire n’est
plus la Martinique post-plantationnaire des œuvres des années 1990. Avec Hypérion Victimaire, nous sommes face à un sombre
tableau des problèmes de la Martinique actuelle (il est question des
« naufragés du crack et de l’alcool », de la pollution au
Chlordecone) et autres dérives de la surconsommation…). Alain
Leauthier a constaté que « de Texaco la magnifique, insalubre mais
prometteuse, et sur laquelle Chamoiseau fondait le rêve de la nation créole, il
ne subsiste que des favelas sordides, squattées par la drogue, la violence et
la prostitution ». Plus qu’un roman policier
antillais, Hypérion
Victimaire peut
ainsi être lu comme un cri d’alerte. Ce renouvellement thématique constaté dans Hypérion victimaire est soutenu par un
renouvellement générique : après "Texaco",
Patrick
Chamoiseau va encore plus loin dans l’exploration des potentialités du récit
polymorphe en mêlant des enregistrements de procès-verbaux du tueur et un récit
suivant le point de vue du commandant Evariste Pilon. Tissus oraux et écrits
sont à nouveau mêlés. Nous ne sommes plus ici face au recueil ethnographique
des dires d’une Marie-Sophie Laborieux mais nous assistons tout de même à une
certaine sacralisation du récit oral. Hypérion apparaît comme un véritable
conteur. Tout comme dans
Les Mille et une nuits, le temps semble s’être
arrêté pendant son récit, les hostilités sont suspendues « car tant que la
confession dure, la mort est tenue à distance » nous annonce-t-on en
quatrième de couverture. On même voir au travers de la figure du
“tueur conteur” s’esquisser celle de l’auteur de la fiction. Il s’agirait là
d’une mise en abyme détournée permettant de penser l’art du récit. En évoquant ses crimes, Hypérion (qui accompagne ses
mets anthropophages de vers de Perse et de Césaire) parle d’œuvres qu’il
exécute sous l’emprise d’une source d’inspiration qui le dépasse et qui le rend
polyglotte. Nous pouvons voir ici des
clins d’œil de l’auteur qui se réfère à ses propres pratiques du récit,
notamment l’écriture en présence de plusieurs langues à inspiration
glissantienne. Dans cette communication, Anaïs Stampfli propose ainsi d’explorer dans le détail le
renouvellement thématique et narratif d’Hypérion
Victimaire,
ce roman dans lequel Patrick Chamoiseau démontre une fois de plus ses talents
de raconteur de grande envergure.[Illustration adaptée de "Mystery River", photographie de Mattias Ripp, 2014, publiée sur Flickr].
Mot(s) clés libre(s) : Patrick Chamoiseau (1953-....), littérature antillaise, multilinguisme et littérature