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Créole magnifique : enquête sur une disparition / Noémie Auzas. In "Patrick Chamoiseau et la mer des récits", colloque international organisé par le laboratoire Lettres, Langages et Arts (LLA CREATIS) de l'Université Toulouse Jean-Jaurès-campus Mirail, 8-10 octobre 2014. Thématique 6 : Esthétiques narratives et récits des Amériques.La question des rapports entre le français et
le créole irrigue l’œuvre de Patrick Chamoiseau depuis ses débuts en littérature.
En effet, cette double identité linguistique est au cœur de son premier roman Chronique des sept misères : elle
en constitue le marqueur principal. L’insertion audacieuse du créole dans la
narration en français est sans aucun doute à l’origine du succès de l’œuvre et
de sa visibilité éditoriale. Par ailleurs, Patrick Chamoiseau, qui s’est
prêté au jeu du commentaire et du théoricien de sa pratique d’écriture, en est
bien conscient lui-même. Ainsi, Eloge de
la Créolité tout comme Écrire en pays
dominé reviennent sur l’expérience de l’écrivain tiraillé entre ses
langues. Une expérience qui met au jour plusieurs étapes : soumission à la
langue française, à la fois voisine et étrangère, puis prise de conscience de
l’enfermement dans une langue-carcan, ce « français liturgique » qui
jette ses « filets». Après avoir entendu la petite musique du créole, il
en fait la matière même de son œuvre. Puis, à la suite d’Edouard Glissant,
l’écrivain plaide pour le rejet de la logique identitaire des langues au profit
d’une vision des langues et des poétiques en Relation. De Chronique
des sept misères à Neuf consciences
du Malfini, l’œuvre de Patrick Chamoiseau est imprégnée de cette expérience
évolutive. Une expérience mouvante à l’image insaisissable de la Relation
glissantienne. Nombreux sont ceux à s'être penchés sur
les rapports entre les langues de Chamoiseau et à avoir cherché les clefs de
cette organisation narrative si particulière. Cependant, une fois encore, à
l’image de la langue créole, Patrick Chamoiseau nous a joué un nouveau
tour-détour, une nouvelle « ruse de mangouste ». Après avoir placé au
centre de sa pratique créatrice la problématique des langues et des langages,
voilà qu’il déclare sans ambages : « Aujourd’hui, pour moi, les
questions de langage sont, bien sûr, réglées.[…] On ne comprend pas que tout
cela est réglé pour moi. Là, c’est libre maintenant ». L’évidence doit
s’imposer : Patrick Chamoiseau n’est pas un auteur monolithique. Il
change, son écriture évolue. Et, effectivement, entre Chronique des sept misères et Neuf
consciences du malfini, comment ne pas lire-entendre le chemin
parcouru ? Mesurer le chemin parcouru depuis la
« guerre des langues », l’opposition stérilisante du français et du
créole, jusqu’à la naissance d’une poétique des langues et des imaginaires, tel est l’enjeu de cette contribution.
Noémie Auzas suit pas à pas le cheminement de Patrick Chamoiseau et
observe comment la question des langues française et créole -si sensible, si visible à ses débuts– s’est
transformée pour devenir « moins spectaculaire ». Elle cherche à
montrer qu’il ne s’agit pas là d’une disparition de cette question, mais, bien
au contraire, d’un approfondissement. Passant de l’exposition linguistique à
l’exploration poétique, l’écriture de Patrick Chamoiseau invite à une
lecture sans cesse renouvelée de son œuvre et de son imaginaire des langues. [Illustration adaptée de "Mystery River", photographie de Mattias Ripp, 2014, publiée sur Flickr].
Mot(s) clés libre(s) : Patrick Chamoiseau (1953-....), littérature antillaise de langue française