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Jean Marc
Moriceau est professeur d’histoire moderne à l’université de Caen et président
de l’Association d’histoire des sociétés rurales. Directeur-fondateur depuis
1994 de la revue Histoire et Sociétés Rurales, il dirige
la collection "Bibliothèque d'Histoire Rurale" à la Maison de la
recherche en sciences humaines de l’université de Caen. Il anime avec le géographe Philippe Madeline le
séminaire du Pôle rural de la MRSH. En 2010 il devient membre senior de l'Institut Universitaire
de France où il dirige un projet de recherche sur le Loup : « Un
problème d’histoire de l’environnement : la conflictualité entre l¹homme
et le loup de la fin du Moyen Âge aux années 1930 ». Jean-Marc Moriceau est membre d'honneur de la Societa di Storia della Fauna «Giuseppe
Altobello» (société pour l'encouragement des études dans le domaine de
l'histoire de l'environnement, en particulier de la relation entre l'homme et
le monde des animaux). En 2015, il reçoit le Prix Émile Guillaumin pour son ouvrage Secrets de Campagnes. Figures et familles paysannes au XXe siècle, Paris, Perrin, 2014. En 2011, il avait déjà reçu le Prix François Sommer de la Maison de la Chasse
et de la Nature pour L'Homme contre le loup. Une guerre de 2000 ans.
Longtemps la
lutte contre le loup a été vécue comme un baromètre du progrès de la
civilisation. Le loup a été le seul animal sauvage à susciter chez l’homme
autant d’énergie pour le réguler. Depuis les lois de Solon au vie siècle avant J-C, les
sociétés ont forgé une réglementation spécifique pour le contenir, le pourchasser,
puis l’exterminer. Pour s’en protéger les pouvoirs
publics ont mis en place un arsenal répressif sans équivalent. Ils lui ont
même dédié une institution, qui prétend remonter à Charlemagne, et qui
subsiste toujours : la louveterie. Alors que la chasse était l’attribut
des privilégiés, le danger causé par le canidé a occasionné des exceptions à
l’interdiction du port d’armes. Il a suscité des réquisitions à des battues
collectives encouragées même par les autorités à l’échelon national depuis
1583. Et surtout il a suscité une politique de primes de destruction dont on
peut mesurer les modulations et la généralisation selon de multiples
facteurs : le degré de vulnérabilité ressenti à l’égard du loup ;
l’état de la sécurité publique ; les capacités financières des autorités
compétentes ; l’importance de la centralisation administrative ; les
choix des dirigeants. Autour du loup se sont cristallisées des rancœurs sociales
et des conflits de compétence, résultant des antagonismes dans les styles de
vie, les modes d’occupation de l’espace et les singularités de gestion
administrative. Passé la loi de 1882, la IIIe République a mis en
place une politique d’éradication qui, de point de vue des sociétés humaines, a
réussi dans l’Entre-deux-guerres. Après un combat mené depuis plus de deux mille ans, l’homme a eu raison
du canidé sauvage jusqu’à une inversion des options idéologiques qui ont été
les siennes et du statut de l’animal dans la seconde moitié du XXe
siècle.
Mot(s) clés libre(s) : environnement, conflit, animal